Côte atlantique de Safi à Rabat


 

Départ de Safi, comme d’habitude vers minuit 510. Non, il n’y a pas de faute de frappe. L’objectif, Oualidia, n’est qu’à 65 km, mais c’est le seul endroit où nous aurons peut-être la possibilité de trouver à nous loger dans nos prix (moins de 200 dir pour 2, soit moins de 10 euros par personne). C’est notre limite haute ! Un vent bien marqué de nord-est est annoncé, et nous nous dirigeons pile poil… nord-est ! D’ailleurs il est déjà debout quand nous partons. Une petite bosse pour atteindre la corniche où nous resterons, avec vue sur l’océan, quasi toute la journée. En contrebas, nous aurons alternativement des plages, des falaises, quelques patelins, des jardins, un phare ou deux. La route est neuve, lisse, agréable. Le vent oblige à appuyer sur les pédales. En début d'après-midi, nous sommes à destination. Oualidia, ville pour surfeurs, un ou deux hôtels trop chers impossibles à négocier, et comme quand c’est le cas, nous trouvons un appartement à louer pour une nuit, pour 200 dirhams. Nous nous posons, puis visitons à pied le lagon. La marée baisse et les bancs de sable se découvrent. Sur la plage Sud, les bateaux de pêche colorés se laissent prendre en photo. Nous recroisons deux jeunes françaises cyclotes, déjà vues à Essaouira.

Le lendemain, le vent est annoncé faible pour notre étape de 85 km jusqu’à El Jadida. Des haies nous en protégeons en fait, et heureusement, car il n’était pas si faible que cela. Quelques vues sur les marais salants, les jardins, mais la côte est brumeuse, la route passante, étroite et en mauvais état. Bref, une seule envie : sortir de là. La grande banlieue de El Jadida ressemble à celle de Safi, gros port, grosse centrale thermique d'où partent des tas de lignes haute tension, industrie lourde, réservoirs d’hydrocarbures… Ça pique les yeux, dans tous les sens du terme. À 16 km de El Jadida, je prends la route côtière, tranquille, lisse et jolie. Le soleil fait enfin sa franche apparition au phare du Cap Blanc. Débarrassée du trafic, au plus proche de l’océan, les 20 derniers kilomètres sont agréables. Avec Jipe, nous ne roulons pas du tout à la même vitesse, nous nous retrouvons lorsque la fin d’étape approche. Je pique nique donc seule à 9 km de l’hôtel convoité, sur une large esplanade, sur un banc. 2 badauds et une promeneuse de chien me demanderont si tout va bien pour moi, si j’ai tout ce qu’il faut… La dame me dit qu’elle a sa maison a 300 mètres. Ça fait vraiment du bien ces réactions prévenantes, et ça fait 7 semaines que ça dure ! Mais bon, j’ai tout ce qu’il faut…

 

Ayant coupé par le centre-ville au lieu de longer l’océan, Jipe arrive très peu de temps après moi à l’hôtel de Nice, situé dans un quartier plus que populaire ! Pas trop le choix des établissements dans notre gamme de prix. Nous sommes au coeur des attractions, phare, cité portugaise, souk, vie locale. La chambre est au deuxième, pas super grande, salle d’eau privée, c’est propre et il y a des draps, la vue est dégagée, le toit terrasse domine la ville. Moins de 7,5 euros par tête et par nuit. Nous en prenons 2 puisqu’il faut traîner. 

 

Le soleil est bien présent, je sors visiter en partie la cité portugaise, les remparts, où seule à un moment, j’ai l’impression lourde de me faire suivre par un jeune homme à l’attitude suspecte. J’accélère le pas et suis soulagée de voir débarquer deux visiteurs desquels je me rapproche. L’autre, évidemment, fait demi-tour. 

 

Des pêcheurs assis sur leur chambre à air, barbottent avec des palmes dans le port rempli d’ordures, des gamins sautent depuis les remparts et nagent dans les douves pas clean au bout desquelles se trouve un petit chantier naval. L’accès au port de pêche nous est refusé par les autorités locales. 

 

La vie bat son plein dans les rues congestionnées par les piétons. La nuit venue, les guirlandes lumineuses vertes qui ornent les minarets se mettent à crier. Ah non ! Oups, c’est le dernier appel à la prière, il est 20 h 30. Le muezzin le plus proche aurait dû faire chanteur !

 

Le jour suivant nous quittons El Jadida par les grands boulevards. Des joggers en pagaille, quelques femmes aussi, qui les pauvres, gardent leur tenue habituelle pour courir... Comme nous devons couper en deux encore les 110 bornes plates qui nous séparent de Casablanca, nous traînons, prenons le temps de visiter Azemmour après avoir laissé nos vélos sous bonne garde dans l’entrée d’une salle de fitness. La cité intra-muros est agréable, nous n’y rencontrons aucun touriste, il y a beaucoup de couleurs sur les murs, des fresques. Construite par les Portugais, elle est aujourd'hui entretenue, restaurée, rénovée, reconstruite par des Européens. Pas moins de 36 Français vivent là, et des Allemands… leurs maisons sont reconnaissables, ce sont celles qui tiennent debout, les autres croulant un peu sous les années ! De là, il nous reste 45 bornes, pas très intéressantes. Seul l’endroit de la pause pique-nique, à l’écart de la route, au bord de l’océan agité et assourdissant vaudra le coup d'œil. Aujourd'hui est jour férié, nous sommes le 6 novembre, commémoration de la marche verte. En 1975, pour que le Sahara occidental soit marocain, 350 000 personnes avaient marché… Un nouveau jour férié vient d’être décrété depuis le 31 octobre de cette année. Il y a quelques jours, le roi Mohammed VI considérant comme acquis le fait que les débats sur ce territoire désertique sont terminés, a proclamé un discours et ajouté un jour férié. Mais les Algériens n'interprètent pas le texte de la même façon, et rien n'est encore définitif. Il semblerait que le peuple Sahraoui doive se prononcer… alors que le Maroc voit un territoire autonome sous autorité marocaine et le considère déjà comme tel.

Bien, la bourgade où nous aimerions nous loger ne possède pas d’hôtel et les appartements sont chers. Pour finir, Aziz, rencontré par hasard, nous emmène à pied 3 km plus loin, et nous dégote un lieu. L’appartement est grand, le ménage n’a pas été fait depuis des semaines, des mois, voire des années. Cependant, nous avons du gaz, une douche chaude, de l’eau. Les fenêtres ne ferment pas, les cafards morts sont bien secs, les matelas sont corrects. Qu’est ce que j’aurais aimé venir directement à Casablanca ! Ce soir-là, Jipe m’annonce que contrairement à ce que nous avions planifié, il ne sera pas avec moi à Casa car il y retrouve un couple d’amis (vivant à Casa) pour le week-end, alors vraiment, qu’est ce que j’aurais aimé être à Casa ce soir... 

 

Je pars et roule donc à mon rythme le lendemain pour rejoindre la grande ville, capitale économique du pays. Les variantes de l’itinéraire, au plus proche de l’océan, permettent d’esquiver en bonne partie la 2 x 3 voies. J’arrive par l'esplanade de 7 km, passe par la pointe et le phare d’El Hank, avant d’arriver à l’impressionnante mosquée Hassan II, et atterris à l’auberge de jeunesse, basique. J’y loue un lit dans un dortoir de 5 lits pour 2 nuits, 80 dirhams la nuit (7,5 euros), petit-déjeuner inclus. Les chambres donnent sur le patio.

 

Après installation à midi, je retourne en tenue correcte voir la grande mosquée et déboule au moment de la prière du vendredi. Les gens se pressent, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, par centaines, mais la salle ne semble pas se remplir. Étant touriste je ne peux que regarder depuis l’entrée. Tout est très travaillé, des sols aux plafonds. La mosquée s'étend sur 9 hectares, et peut accueillir 25 000 fidèles dans la salle et 80 000 sur l'esplanade. Son minaret, le plus haut du monde, mesure 210 m. Construite entre 1986 et 1993 elle a un toit ouvrant de 3400 m2 qui pèse 1100 tonnes, les portes sont en titane et leur mécanisme est absolument silencieux. Elle est en partie érigée sur la mer, c’est très propre. Par contre, les quartiers juste à côté me replongent dans le tiers-monde et les ordures nauséabondes, il faut faire attention où poser les pieds, sous peine de glissades... Je vois la place Mohammed V devant le théâtre, celle des Nations Unies, le parc de la ligue arabe, l’église moderne et toute blanche, rentre dans la médina vers la tour de l'horloge. La médina n’a rien de particulier, j’avoue être un peu déçue.

Le jour suivant, je marche jusque dans le quartier des Habous, celui du palais royal, qu’on ne peut pas voir, celui aussi du Mechouar, qui était l’endroit où logeaient les personnalités reçues par le roi. Il y a une petite médina, quelques arches, mais qui ne vaut pas d’y passer trop de temps. Entre les deux, il y a une ville “normale”, avec des boulevards, des bagnoles, des magasins, le marché central où je m’envoie une assiette de lentilles. De retour à l’auberge, comptant me reposer, je découvre que c’est la fête, une scène a été montée juste devant la porte et le patio de l’auberge fait office de lieu d’accueil… c’est bien raté pour le calme. La réceptionniste me dit que tout s’arrête en fin d’aprem…

Casa, Casa. Mouais ! Je crois que je m’attendais à plus de choses à voir mais il est vrai que cette ville n’est pas historique, elle a été créée comme nouvelle place économique sous le protectorat français. Je crois même qu’il me tarde de la quitter ! Et je me jure de ne plus aller en dortoir, quitte à payer quelques euros de plus…

 

Le trajet entre Casablanca et Rabat n’offre guère d’alternatives, ce sera donc par la 2x2 voire 2x3 voies. C’est lisse, et comme c’est dimanche matin, j’ai les 2 ou 3 voies pour moi ou presque. Pas de trafic, mais des cyclistes par dizaines, dont je prendrai parfois la roue pour m’abriter du sensible vent de face. Je fais une halte au musée de la photographie à l’entrée de la ville, n’y rentre pas car la plus grande partie des photos exposées se trouve à l’extérieur, autour d’un bastion magnifique orné de 2 canons, au bord de l’océan déchaîné. Des portraits, que des portraits, de quidams du monde entier. J’ai aimé cette halte. Puis il y eut le phare et la corniche. Les vagues s’écrasent fort et les gerbes d’écume montent très haut. Spectacle garanti, la puissance de l’eau… La côte étant brumeuse ce jour, je reviendrai. Il ne me restait qu’à suivre les remparts pour atteindre le centre. Après au moins 15 enseignes prospectées, trop chères ou pleines, je me retrouve dans un dortoir de 14, qui heureusement n'est pas plein, à l’auberge de jeunesse sommaire. 7 lits superposés entassés dans une pièce borgne, pas de cuisine, interdiction de laver du linge même si je le ferai discrètement par petites quantités, pas de petit-déjeuner, bien situé, silencieux, patio et terrasse agréables… le tout pour plus cher qu’une chambre simple dans un hôtel… 

La fin de journée est occupée à ne rien faire d’autre qu’organiser mes 2 prochains jours.

 

Rabat, capitale administrative et politique du Maroc est une grande ville qui, néanmoins, est tranquille, calme, propre, agréable, agrémentée de nombreux parcs et jardins. Donc après la crasse innommable de la médina de Casablanca, Rabat fait du bien. Pendant deux jours j’ai usé les semelles de mes baskets. Médina, kasbah des Oudayas, phare encore, marchés, église, palais royal, tour Momo V et mausolée, tour Momo 6 achevée en 2023 de style hyper moderne, plus de 200 m de haut, en forme de fuseau horaire et dont la face sud est recouverte de panneaux photovoltaïques, cimetière immense, remparts, portes… J’avoue commencer à saturer des villes, des hôtels, du bruit et je sens que le compte à rebours jusqu'au 23 va bientôt commencer. J’ai l’habitude, c’est chaque fois pareil. Sentiment renforcé par le fait que la météo s'annonce bien capricieuse.

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