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Côte atlantique de Safi à Rabat


 

Départ de Safi, comme d’habitude vers minuit 510. Non, il n’y a pas de faute de frappe. L’objectif, Oualidia, n’est qu’à 65 km, mais c’est le seul endroit où nous aurons peut-être la possibilité de trouver à nous loger dans nos prix (moins de 200 dir pour 2, soit moins de 10 euros par personne). C’est notre limite haute ! Un vent bien marqué de nord-est est annoncé, et nous nous dirigeons pile poil… nord-est ! D’ailleurs il est déjà debout quand nous partons. Une petite bosse pour atteindre la corniche où nous resterons, avec vue sur l’océan, quasi toute la journée. En contrebas, nous aurons alternativement des plages, des falaises, quelques patelins, des jardins, un phare ou deux. La route est neuve, lisse, agréable. Le vent oblige à appuyer sur les pédales. En début d'après-midi, nous sommes à destination. Oualidia, ville pour surfeurs, un ou deux hôtels trop chers impossibles à négocier, et comme quand c’est le cas, nous trouvons un appartement à louer pour une nuit, pour 200 dirhams. Nous nous posons, puis visitons à pied le lagon. La marée baisse et les bancs de sable se découvrent. Sur la plage Sud, les bateaux de pêche colorés se laissent prendre en photo. Nous recroisons deux jeunes françaises cyclotes, déjà vues à Essaouira.

Le lendemain, le vent est annoncé faible pour notre étape de 85 km jusqu’à El Jadida. Des haies nous en protégeons en fait, et heureusement, car il n’était pas si faible que cela. Quelques vues sur les marais salants, les jardins, mais la côte est brumeuse, la route passante, étroite et en mauvais état. Bref, une seule envie : sortir de là. La grande banlieue de El Jadida ressemble à celle de Safi, gros port, grosse centrale thermique d'où partent des tas de lignes haute tension, industrie lourde, réservoirs d’hydrocarbures… Ça pique les yeux, dans tous les sens du terme. À 16 km de El Jadida, je prends la route côtière, tranquille, lisse et jolie. Le soleil fait enfin sa franche apparition au phare du Cap Blanc. Débarrassée du trafic, au plus proche de l’océan, les 20 derniers kilomètres sont agréables. Avec Jipe, nous ne roulons pas du tout à la même vitesse, nous nous retrouvons lorsque la fin d’étape approche. Je pique nique donc seule à 9 km de l’hôtel convoité, sur une large esplanade, sur un banc. 2 badauds et une promeneuse de chien me demanderont si tout va bien pour moi, si j’ai tout ce qu’il faut… La dame me dit qu’elle a sa maison a 300 mètres. Ça fait vraiment du bien ces réactions prévenantes, et ça fait 7 semaines que ça dure ! Mais bon, j’ai tout ce qu’il faut…

 

Ayant coupé par le centre-ville au lieu de longer l’océan, Jipe arrive très peu de temps après moi à l’hôtel de Nice, situé dans un quartier plus que populaire ! Pas trop le choix des établissements dans notre gamme de prix. Nous sommes au coeur des attractions, phare, cité portugaise, souk, vie locale. La chambre est au deuxième, pas super grande, salle d’eau privée, c’est propre et il y a des draps, la vue est dégagée, le toit terrasse domine la ville. Moins de 7,5 euros par tête et par nuit. Nous en prenons 2 puisqu’il faut traîner. 

 

Le soleil est bien présent, je sors visiter en partie la cité portugaise, les remparts, où seule à un moment, j’ai l’impression lourde de me faire suivre par un jeune homme à l’attitude suspecte. J’accélère le pas et suis soulagée de voir débarquer deux visiteurs desquels je me rapproche. L’autre, évidemment, fait demi-tour. 

 

Des pêcheurs assis sur leur chambre à air, barbottent avec des palmes dans le port rempli d’ordures, des gamins sautent depuis les remparts et nagent dans les douves pas clean au bout desquelles se trouve un petit chantier naval. L’accès au port de pêche nous est refusé par les autorités locales. 

 

La vie bat son plein dans les rues congestionnées par les piétons. La nuit venue, les guirlandes lumineuses vertes qui ornent les minarets se mettent à crier. Ah non ! Oups, c’est le dernier appel à la prière, il est 20 h 30. Le muezzin le plus proche aurait dû faire chanteur !

 

Le jour suivant nous quittons El Jadida par les grands boulevards. Des joggers en pagaille, quelques femmes aussi, qui les pauvres, gardent leur tenue habituelle pour courir... Comme nous devons couper en deux encore les 110 bornes plates qui nous séparent de Casablanca, nous traînons, prenons le temps de visiter Azemmour après avoir laissé nos vélos sous bonne garde dans l’entrée d’une salle de fitness. La cité intra-muros est agréable, nous n’y rencontrons aucun touriste, il y a beaucoup de couleurs sur les murs, des fresques. Construite par les Portugais, elle est aujourd'hui entretenue, restaurée, rénovée, reconstruite par des Européens. Pas moins de 36 Français vivent là, et des Allemands… leurs maisons sont reconnaissables, ce sont celles qui tiennent debout, les autres croulant un peu sous les années ! De là, il nous reste 45 bornes, pas très intéressantes. Seul l’endroit de la pause pique-nique, à l’écart de la route, au bord de l’océan agité et assourdissant vaudra le coup d'œil. Aujourd'hui est jour férié, nous sommes le 6 novembre, commémoration de la marche verte. En 1975, pour que le Sahara occidental soit marocain, 350 000 personnes avaient marché… Un nouveau jour férié vient d’être décrété depuis le 31 octobre de cette année. Il y a quelques jours, le roi Mohammed VI considérant comme acquis le fait que les débats sur ce territoire désertique sont terminés, a proclamé un discours et ajouté un jour férié. Mais les Algériens n'interprètent pas le texte de la même façon, et rien n'est encore définitif. Il semblerait que le peuple Sahraoui doive se prononcer… alors que le Maroc voit un territoire autonome sous autorité marocaine et le considère déjà comme tel.

Bien, la bourgade où nous aimerions nous loger ne possède pas d’hôtel et les appartements sont chers. Pour finir, Aziz, rencontré par hasard, nous emmène à pied 3 km plus loin, et nous dégote un lieu. L’appartement est grand, le ménage n’a pas été fait depuis des semaines, des mois, voire des années. Cependant, nous avons du gaz, une douche chaude, de l’eau. Les fenêtres ne ferment pas, les cafards morts sont bien secs, les matelas sont corrects. Qu’est ce que j’aurais aimé venir directement à Casablanca ! Ce soir-là, Jipe m’annonce que contrairement à ce que nous avions planifié, il ne sera pas avec moi à Casa car il y retrouve un couple d’amis (vivant à Casa) pour le week-end, alors vraiment, qu’est ce que j’aurais aimé être à Casa ce soir... 

 

Je pars et roule donc à mon rythme le lendemain pour rejoindre la grande ville, capitale économique du pays. Les variantes de l’itinéraire, au plus proche de l’océan, permettent d’esquiver en bonne partie la 2 x 3 voies. J’arrive par l'esplanade de 7 km, passe par la pointe et le phare d’El Hank, avant d’arriver à l’impressionnante mosquée Hassan II, et atterris à l’auberge de jeunesse, basique. J’y loue un lit dans un dortoir de 5 lits pour 2 nuits, 80 dirhams la nuit (7,5 euros), petit-déjeuner inclus. Les chambres donnent sur le patio.

 

Après installation à midi, je retourne en tenue correcte voir la grande mosquée et déboule au moment de la prière du vendredi. Les gens se pressent, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, par centaines, mais la salle ne semble pas se remplir. Étant touriste je ne peux que regarder depuis l’entrée. Tout est très travaillé, des sols aux plafonds. La mosquée s'étend sur 9 hectares, et peut accueillir 25 000 fidèles dans la salle et 80 000 sur l'esplanade. Son minaret, le plus haut du monde, mesure 210 m. Construite entre 1986 et 1993 elle a un toit ouvrant de 3400 m2 qui pèse 1100 tonnes, les portes sont en titane et leur mécanisme est absolument silencieux. Elle est en partie érigée sur la mer, c’est très propre. Par contre, les quartiers juste à côté me replongent dans le tiers-monde et les ordures nauséabondes, il faut faire attention où poser les pieds, sous peine de glissades... Je vois la place Mohammed V devant le théâtre, celle des Nations Unies, le parc de la ligue arabe, l’église moderne et toute blanche, rentre dans la médina vers la tour de l'horloge. La médina n’a rien de particulier, j’avoue être un peu déçue.

Le jour suivant, je marche jusque dans le quartier des Habous, celui du palais royal, qu’on ne peut pas voir, celui aussi du Mechouar, qui était l’endroit où logeaient les personnalités reçues par le roi. Il y a une petite médina, quelques arches, mais qui ne vaut pas d’y passer trop de temps. Entre les deux, il y a une ville “normale”, avec des boulevards, des bagnoles, des magasins, le marché central où je m’envoie une assiette de lentilles. De retour à l’auberge, comptant me reposer, je découvre que c’est la fête, une scène a été montée juste devant la porte et le patio de l’auberge fait office de lieu d’accueil… c’est bien raté pour le calme. La réceptionniste me dit que tout s’arrête en fin d’aprem…

Casa, Casa. Mouais ! Je crois que je m’attendais à plus de choses à voir mais il est vrai que cette ville n’est pas historique, elle a été créée comme nouvelle place économique sous le protectorat français. Je crois même qu’il me tarde de la quitter ! Et je me jure de ne plus aller en dortoir, quitte à payer quelques euros de plus…

 

Le trajet entre Casablanca et Rabat n’offre guère d’alternatives, ce sera donc par la 2x2 voire 2x3 voies. C’est lisse, et comme c’est dimanche matin, j’ai les 2 ou 3 voies pour moi ou presque. Pas de trafic, mais des cyclistes par dizaines, dont je prendrai parfois la roue pour m’abriter du sensible vent de face. Je fais une halte au musée de la photographie à l’entrée de la ville, n’y rentre pas car la plus grande partie des photos exposées se trouve à l’extérieur, autour d’un bastion magnifique orné de 2 canons, au bord de l’océan déchaîné. Des portraits, que des portraits, de quidams du monde entier. J’ai aimé cette halte. Puis il y eut le phare et la corniche. Les vagues s’écrasent fort et les gerbes d’écume montent très haut. Spectacle garanti, la puissance de l’eau… La côte étant brumeuse ce jour, je reviendrai. Il ne me restait qu’à suivre les remparts pour atteindre le centre. Après au moins 15 enseignes prospectées, trop chères ou pleines, je me retrouve dans un dortoir de 14, qui heureusement n'est pas plein, à l’auberge de jeunesse sommaire. 7 lits superposés entassés dans une pièce borgne, pas de cuisine, interdiction de laver du linge même si je le ferai discrètement par petites quantités, pas de petit-déjeuner, bien situé, silencieux, patio et terrasse agréables… le tout pour plus cher qu’une chambre simple dans un hôtel… 

La fin de journée est occupée à ne rien faire d’autre qu’organiser mes 2 prochains jours.

 

Rabat, capitale administrative et politique du Maroc est une grande ville qui, néanmoins, est tranquille, calme, propre, agréable, agrémentée de nombreux parcs et jardins. Donc après la crasse innommable de la médina de Casablanca, Rabat fait du bien. Pendant deux jours j’ai usé les semelles de mes baskets. Médina, kasbah des Oudayas, phare encore, marchés, église, palais royal, tour Momo V et mausolée, tour Momo 6 achevée en 2023 de style hyper moderne, plus de 200 m de haut, en forme de fuseau horaire et dont la face sud est recouverte de panneaux photovoltaïques, cimetière immense, remparts, portes… J’avoue commencer à saturer des villes, des hôtels, du bruit et je sens que le compte à rebours jusqu'au 23 va bientôt commencer. J’ai l’habitude, c’est chaque fois pareil. Sentiment renforcé par le fait que la météo s'annonce bien capricieuse.

Une centaine de photos supplémentaires dans la rubrique dédiée...

 

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Publication : 11 novembre 2025

Côte atlantique sud, Agadir - Safi


 

Second matin à Agadir, pendant que les participants au triathlon se jettent à l’eau, je descends acheter de quoi petit-déjeuner, puis m'attelle à mon vélo. Un point dur bien centré dans la direction m’enquiquine depuis quelques jours et il faut que je regarde mes freins avant. Démontage des bagues, du cintre, bref tout, nettoyage, remontage. Soit le point dur est ailleurs sur une position où je ne vais jamais, soit c’est solutionné. Nathalie contente. Les freins, 5 minutes, Nathalie contente encore. À 11 heures, je descends avec Jipe manger une bonne grosse omelette et à midi (heure prévue entre nous), nous enfourchons les bicycles à pédales sous un soleil radieux. Marie fait scission. Sortie d'Agadir congestionnée à cause de la partie cyclisme du triathlon qui se déroule sur la 2 x 2 voies et détourne tout le trafic sur la route côtière. Cependant, très belle petite étape de 61 km avec l’océan et les kilomètres de plage de sable blond ou de rochers où s’écrase la flotte, juste à côté. Nous nous sommes régalés, même quand le vent nous a fait face. À Tamri, pas d’hébergement malgré une recherche longue et assidue, alors nous tentons notre chance dans le gros hôtel cossu du patelin suivant et le gérant nous ouvre un appartement pour moins de 10 euros par personne. Marie débarque plus tard et après petite discussion dans le calme, Jipe changera de “partenaire” pour terminer son voyage avec moi jusqu’à Casablanca, c’est la fin de ce que l’on avait nommé “Trio Morocco”.

 

De Tamri à Tafedna, l'étape est très belle encore. Après un début de 25 km sur la route un peu passante, nous bifurquons à gauche pour rester au plus près de l’océan. Nous surplombons des plages magnifiques ourlées d'écume, faisons une heureuse escale pique-nique face aux vagues d'où émergent des surfeurs attendant le bon moment à Imsouane, et terminons à Tafedna par une dizaine de km de piste roulante. Aziz nous ouvre la maison de son frère pour une somme modique, où nous disposons du rez-de-chaussée entier…

 

Dès les premiers hectomètres le lendemain, nous sommes au village de pêcheurs. Belle plage sauvage, pas de surfeur ici, la baie est calme. Quelques grosses barques et une rangée de maisons bleues et blanches, la bourgade est minuscule. Quelques photos, macadam retrouvé, nous pouvons entamer une longue montée qui nous mène sur un plateau vallonné agréable, parsemé d’arbres et de petits villages. Après avoir rattrapé la route principale où nous nous méfions un peu plus des bolides, nous atteignons rapidement Smimou, bourgade très vivante, où des montagnes de fruits et légumes bordent la route. La distance est ensuite vite faite jusqu’à Essaouira où nous arrivons vers 14 h. D’hôtels en auberges de jeunesse trop chers à l’intérieur de la médina, il nous faudra une petite heure pour trouver une chambre confortable à prix acceptable à l'extérieur mais proche des fortifications portugaises. Très bien, draps, serviettes, nos montures dans la chambre, salle de bain privative, embourgeoisement donc… Pas vraiment vu le prix ! Petite douche en vitesse et nous profitons du soleil pour entamer la visite, qui durera 2,5 jours. Plage, port de pêche important et très vivant, étalages de poisson frais, ou non, médina, concentration impressionnante de goélands dont les déjections nous atteignent parfois, remparts garnis de canons tous différents, tours et bastions, venelles, ruelles, parties commerçantes ou au contraire réservées à l'habitation de la médina, galeries d’artistes, placettes, souk. Nous prenons vite nos repères dans cette ville à taille humaine, qui est blindée de touristes parce qu’elle vaut définitivement le détour. Les vagues s’écrasent et font de belles gerbes sur les rochers au pied des remparts, la température est agréable. De la pluie dans la seconde soirée et nuit, visiblement bienvenue, rafraîchit l’atmosphère momentanément, mais dès le lendemain nous retrouvons le soleil. C’est d’ailleurs la météo annoncée sur toute la côte atlantique jusqu’au 12 novembre… Logeant dans un quartier populaire, nous avons tout à portée de main (épicerie, fruits, petits restos), à des tarifs parfois trois fois moins élevés que dans la partie touristique, à 1 km. 

 

Nous reprenons la route dans le calme d’un matin frais, dans l’air chargé d’humidité. La première petite bosse de rien du tout anéantit nos efforts pour rester au sec et ne pas transformer t-shirts et chemise en serpillières blanches de sel. Un premier détour pour aller à Moulay Bouzertkoum, où la mosquée blanche se détache sur le bleu de l’océan. Le village est vide. Passé Sidi Ishaq, nous décidons de pousser jusqu’à Souira Kedima. Dans ce village de résidences secondaires ou de vacances, sans hôtel ni auberge, nous trouvons à nous loger en louant un appartement pour une nuit. Le prix est modique ( moins de 10 euros par tête) et nous disposons d’une cuisine. Des dizaines de grosses barques de pêche colorées, à l'eau ou sur le sable, rendent agréable la visite du port très odorant, et centre névralgique de la bourgade. 

 

Il ne nous reste que 33 km pour rejoindre Safi le jour suivant. Cette ville industrielle où notre entrée est peu glorieuse, main sur la bouche et à moitié en apnée pour lutter comme on peut contre les fumées de l’immense usine de phosphore, est toute en longueur le long de l'océan. D’ailleurs, ça a commencé par la centrale thermique, terminus de la ligne ferroviaire, puis les travaux du nouveau futur port industriel de Safi, puis cette usine de phosphore. Bref, si tu ne veux pas choper un cancer, il est plus prudent de vivre ailleurs. Nous nous installons à l'hôtel de Paris, très propre, vaste chambre à 2 lits doubles, dont la fenêtre donne sur du calme, toit terrasse avec fils pour faire sécher la lessive et la vue sur les toits… le tout pour 5,8 euros chacun la nuit, assurément le meilleur rapport qualité/prix de ce voyage. Safi n’attire pas les touristes, et pourtant, y faisant halte une journée et demie, nous avons trouvé beaucoup de charme à la vieille médina, entourée de remparts, où seule la partie basse est commerçante. Le reste est un quartier populaire, avec des gosses qui jouent dehors, des gens qui circulent à pied, vaquant à leurs occupations. Plutôt “délabrées”, les venelles en pente et tortueuses nous ont offert des arches, portes, passages couverts, couleurs et détails photogéniques à profusion. Sous la corniche, les vagues là aussi s’écrasent en grosses gerbes d'écume blanche, et il faut se méfier des bombardiers goélands. Après le port de pêche dont l'accès nous a été refusé par la police (sous prétexte de dimanche) se trouve le port industriel, zone frontière, avec ses silos de phosphates. Les trains de marchandises chimiques passent très lentement dans un potin d’enfer. Safi est également réputée pour sa poterie. À l'entrée, nous nous sommes arrêtés au village des potiers où chacun à sa spécialité. Certains tournent, puis vendent à ceux qui peignent, qui vendent à ceux qui ont le four… Rares sont les artisans qui font tout de A à Z. Nous visitons également la colline des potiers, petits ateliers, les fours traditionnels où les pneus, vêtements foutus, plastiques étaient cramés autant que le bois sont maintenant remplacés par des fours à gaz, moins polluants. C’est qu’à Safi, la pollution se voit et se sent. La dernière demie journée est consacrée au repos, avant de reprendre la route demain, direction El Jadida par Oualidia… nord-est, face au vent !

 

Comme d'habitude, plein de nouvelles photos dans la rubrique "photos"...

 

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Publication : 2 novembre 2025

De l’Anti-Atlas de Tafraout à Agadir


 

Pour mon premier jour à Tafraout et vu le programme effectué depuis Ouarzazate, je m’attends à avoir les jambes en coton, qui hurlent leur douleur dans les escaliers. Hors, il n’en est rien, j’ai l’impression que je pourrais partir faire un footing. Tant mieux. Bien décidée à profiter du secteur, je pars marcher vers la vallée des rochers peints. En 1985, l’artiste belge Jean Verame a l’idée saugrenue de peindre en bleu, violet, rouge ou jaune des rochers entiers d’une vallée proche de la bourgade. La première auto qui passe m’embarque sur 7 km pour accéder à l’extrémité du site, je ferai le retour à pied au milieu des blocs de cailloux rose. La première chose que je vois est une antilope aux cornes effilées, avant que les touristes en 4x4 et autres gosses qui s'expriment bruyamment ne la fassent fuir… Pendant plus de deux heures je me suis promenée, à la fraîche, dans ce paysage, avec pour toile de fond le massif du djebel L’Kest, point culminant du secteur à 2359 m. Retour par le chapeau de Napoléon, en suivant une femme de la tribu Ammeln, en tenue traditionnelle. De retour à l’hôtel, j’hésite entre repartir demain ou prolonger d’un jour ici. La bourgade est agréable, c’est calme. Je pourrais occuper une partie de seconde journée pour faire un vrai nettoyage de la transmission de mon vélo à la station essence toute proche. J’ai du temps… La tribu des Ammeln occupe un petit territoire centré sur Tafraout. Voici ce que je trouve sur internet : La Vallée des Ammeln occupe une cuvette surplombée de falaises escarpées, et s’étend sur un long couloir verdoyant aux pieds de Jbel El Kest. Un décor grandiose, orné d’un filet d’oliviers, de caroubiers, d’arganiers, de palmiers et bien sûr d’amandiers. Les Ammeln peuplent la vallée depuis des générations. Il s’agit d’une grande tribu amazighe (berbère), qui s’est sédentarisée dans les lieux, et qui y a développé l’agriculture des céréales et des arbres fruitiers. Les Ammeln sont aussi célèbres pour leur sens des affaires. Plusieurs d’entre eux, ayant émigré aux grandes villes, sont devenus des hommes d’affaire fortunés. En témoignent les quelques grandioses palais et domaines perchés sur les bords de la Vallée.

 

Finalement, je décide de rester un jour de plus, et comme la veille, débute par une marche, cette fois-ci sur les tas de cailloux qui devraient m’offrir ue vue sur vallée des Ammeln. De retour, je squatte la station service pour un entretien de mon véhicule.

 

En ce lundi 20 octobre, je me remets en route, direction les gorges d’Aït Mansour. La première montée ne me surprend pas, 600 m de d+ pour basculer dans ces gorges impressionnantes, étroites et profondes, bordées de hautes falaises rouges, et au fond desquelles on trouve une palmeraie serrée comme une jungle, quelques hameaux, des canaux d’irrigation. Bref, le détour vaut le coup. Enfin… sauf que je n’avais pas vu le profil altimétrique et fut bien surprise, ayant déjà fait 900 de d+ aujourd'hui, d’avoir encore un col à 1610 m à passer… Soit. La fin pique un peu sous le cagnard de l’après-midi, mais il est tôt encore quand je bascule vers Izerbi. Rien pour loger ici, c’est mort, je prends de l’eau et poursuis. Je plante ma tente cachée derrière un bosquet d’épineux, en espérant que personne ne me verra… Belle étape, de plus en plus près de l’océan, je dors encore à 1242 m d’altitude après 83 km et 1500 de d+. 

 

Après une nuit calme et tranquille, c’est reparti. Quelques kilomètres encore sur les plateaux vallonnés avant un plongeon spectaculaire au fond d’un canyon. Dans le patelin qui se trouve au fond, les orages de l’automne dernier ont fait des dégâts dans ce couloir étroit, route endommagée, les travaux sont toujours en cours pour remettre en état. Plus bas dans l’oued, des tas de troncs de palmiers, des débris… Le paysage change, l’oued à sec est maintenant très très large et j’arrive à Aït Tamanart où je retrouve un peu de vie, quelques échoppes et gargotes. À partir de là, c'est vent de face et ce sera ainsi jusqu’à la fin de mon étape, 50 km plus loin. En effet, chaleur, paysage désertique et absence de tout m’obligent à pousser jusqu’à Tarhjijt où je sais qu’on peut louer une chambre dans un café. Même pas un petit resto dans cette bourgade où les gamins rencontrés n’ont su que me balancer des “touriste, touriste” provocateurs. Oui, certes, et alors ? 

 

Le lendemain, gros changement dans le climat, départ dans les brumes matinales humides, qui vont et qui viennent, qui parfois me tiennent au frais et d’autres fois me font l’effet d’être au hammam. J’avance bien, et après une pause omelette à la station-service de Fask, toujours dans le désert, je file vers Guelmim. Je traverse la ville mais ne m’y attarde pas, si je veux rattraper un jour mes deux acolytes, il faut que je pédale. Je m’approche ce jour-là de l’océan, et si je ne vais pas le toucher encore, j’en entends les vagues s’écrasant sur les rochers ou les galets, depuis mon bivouac à quelques kilomètres à vol d’oiseau, planquée une nouvelle fois derrière un bosquet d’épineux. Juste deux gamines menant le troupeau de chèvres et moutons décèleront ma présence…

 

Allez, le jour suivant, dix bornes de toboggans bien sentis et je vois enfin les vagues atlantiques, dans la brume, sous un ciel plutôt bas. Rien de folichon. Et les 40 km suivants n’offrent rien à voir. Par contre, bonjour les “valleuses” qui me déchirent les pattes à chaque fois, et que je remonte même parfois à pied en poussant mon lourd vélo vert…

 

Sidi Ifni, du blanc et du bleu, et du soleil qui a enfin percé les brumes. Pause omelette et lentilles. Puis la plage et surtout l’arche de Lezgira. Une voûte naturelle d’une trentaine de mètres de large, autant de long et une quinzaine de haut. Joli site. Je ne regrette pas le minuscule détour. Je me pose ce soir-là dans un petit hôtel à Mirleft, d’où Jipe et Marie sont repartis ce matin même.

 

Voyant qu’ils n’ont pas l’air de prendre leur jour de repos hebdo, je décide de mettre un dernier gros coup de pédale pour arriver le même jour qu’eux à Agadir. Je suis dans les starting blocks, attendant le lever du jour et dès potron minet, plafff, j’enfourche le vélo vert. Et au terme d’une étape plus ou moins roulante de 126 km, j’arrive… bien avant eux à l'hôtel prévu, qui affiche complet ! J'en cherche et trouve un autre, où ils viennent me rejoindre un moment plus tard. Depuis Ouarzazate et mon coup de calgon intestinal que je ne les avais pas vus, 15 jours, arrivant parfois dans une chambre qu’ils ont quitté le matin même. Il faut dire que j’ai fait des détours dans le djebel Siroua et l’Anti-Atlas de Tafraout. Voilà le “trio morocco” enfin reconstitué à Agadir.

 

Agadir, ciel bas sur une ville moderne, vaste, reconstruite après un tremblement de terre de 1960 qui avait tout foutu en bas et fait des victimes. Pas de véritable médina mais un immense souk, donné comme le plus grand du Maroc, où l’on déambule un moment. Montagnes de denrées alimentaires en tous genres, babouches, fringues, vaisselle, quincaillerie, on y trouve de tout ! On se promène dans les rues, voyons quelques beaux spécimens d'ateliers de mécanique, traînons nos savates assez mollement jusqu’au musée d’art contemporain que Jipe visite. Je n’ai guère d'énergie, mais l’après-midi, les nuages ayant totalement disparu, nous enfourchons les vélos pour aller longer toute la corniche, essayer de rentrer au port de pêche pour voir les bateaux colorés (zone frontière, nous ne pourrons accéder), et monter les 200 m de d+ qui nous séparent de la kasbah qui offre une belle vue sur la ville, la plage, le port. Le folklore autour de la kasbah fait sourire, touristes juchés sur des dromadaires décorés pour faire 300 m. Bref…

 

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Publication : 25 octobre 2025

Du Haut-Atlas à l'Anti-Atlas.


 

Je crois que c’est la première fois que j’ai ce “truc” de ma vie. J’ai déjà goûté aux giardiases, salmonelloses et autres sympathiques désagréments intestinaux, mais jamais à “ça”. Avantage, j’ai retrouvé en 48 heures la ligne de mes 18 ans, flotte dans le bracelet de ma montre et dans mes shorts, qui heureusement, sont tenus par des ceintures (donc réglables). C'est fou tout de même comme nous sommes réduits à pas grand-chose en si peu de temps par des bébêtes invisibles tant elles sont petites ! Autre grande chance (en plus d’avoir perdu mes kilos superflus) : cela m’arrive en ville, j’ai une chambre d’hôtel avec clim et salle de bain privative pour 14 euros la nuit, avec du papier hygiénique à volonté (Imaginez ce point en bivouac, en rupture de pq et à court d’eau. Nan nan, la vie est bien faite… mais sérieux, j’aurais sauté dans une bagnole pour rejoindre une ville…) Il y a des chambres single à 6 euros dans cet hôtel mais là, j’ai besoin du haut de gamme, enfin… du caisson blanc qui ronronne et des toilettes libres à proximité immédiate ! Et puis pharma, échoppes, tout est là, même un aéroport si les choses ne s’arrangeaient pas ! Ouarzazate est une ville calme, où je me contente de faibles déplacements. J’ai pris chaud patate, ça m’a bien secouée, enfoncée bien profond, une loque, reste à voir comment ça va repartir en terme d’énergie à déployer sur le vélo.

 

Les tenues vestimentaires dans ce pays sont vraiment d’une grande diversité. Chez les femmes, on va des bras nus sans foulard au nikab, et chez les hommes, du t-shirt à la djellaba en passant par le costard cravate. Toutefois, jamais de jambes nues et les nikabs sont souvent accompagnés des djellabas. 

 

Bon, à Ouarzazate, le petit marchand n’a pas la monnaie sur mon billet de 200 pour ma bouteille à 5,5. Il me la file qd même, en me disant “tu reviendras payer plus tard”. Merci pour la confiance gars ! Pas comme si j'étais juste touriste de passage hein… À l'hôtel, Hamid n’a pas la monnaie sur mon billet de 200, “ je te donne 50 plus tard”. Au distributeur de la poste, un homme pourtant jeune galère depuis un moment, je finis par m’approcher pour l’aider à faire son retrait, tape son code confidentiel... les billets sortent, il est content et me serre la main avec un grand sourire. La confiance règne et ça me plaît tellement. Hamid m’a rendu mes 50, je suis allée payer ma bouteille au commerçant. Et Hamid veut me crever mes pneus cette nuit pour ne pas que je parte demain…

 

J’ai passé quelques heures à regarder passer la vie, les 4L, kangoo, Dacia, Mercedes, motos et quads, les “petits taxis”, qui sont ceux, jaune pâle, qui restent dans la ville et que tout le monde prend, les trottinettes électriques, les vélos déglingués, les bus de ville “luxe”, ma foi dans un état de délabrement avancé, les minibus de transports touristiques, rutilants, les taxis collectifs aux galeries chargées, les gros bus intervilles, et les bus luxueux des opérateurs touristiques. J’ai vu passer un cycliste au moins octogénaire, marocain, frisant le mètre cinquante et tremblotant, maillot cycliste et casque, les mains en position basse sur le cintre, à environ 6 km/h. Et puis ici les simplets, les handicapés de tous genres et les estropiés ne sont pas remisés dans des institutions, dans la journée ils sont dans la rue. Les regards ici ne sont pas pesants, ils ont l’habitude des touristes occidentales. J’ai eu une longue discussion à propos du statut des femmes, de l’état de la France, et de sa vie avec Hamid, le sympathique employé de cet hôtel, retraité de l’armée. Les femmes de ménage sont black, parlent berbère et chouilla français. 

 

Nous sommes le 9 octobre, j’ai stoppé le régime spécifique, ai arrêté antispasmodiques et antidiarrhéiques, garde les antibio jusqu’au bout du traitement. Et je bois, je bois et bois encore, espère sérieusement reprendre la route demain, en croisant les doigts pour que “ça fasse”. Je ne pensais pas rester 4,5 jours à Ouarzazate !

 

Vendredi, je monte sur mon vélo non sans une certaine appréhension, il est clair que ce n’est pas du 100%... Je démarre tranquille, ca tombe bien c’est plat et un léger vent m'est favorable. 20 km, je pique à droite vers Aït Ben Hadou, et lors d’une pause banane, un cyclo coloré me passe. Je réenfourche rapidement, le rattrape. C’est Omar, il vélotaf, son vélo est customisé comme une oeuvre d’art (art brut), et nous faisons route ensemble jusqu’au village avec sa kasbah classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Les bus de touristes alignés ne m’incitent pas y entrer, je me contente de vues extérieures et préfère prendre du temps à siroter le thé offert par Omar au snack des amis, là où il travaille, peintre de son état.

 

Je finis par me remettre en route, remonte toute cette vallée que je trouve superbe, et termine la journée en poussant le vélo dans les bosses. Bivouac avec point de vue panoramique avant Telouet.

 

Le lendemain, toujours pas bien de l’appétit, je dois me forcer pour manger. J’avance bien cependant, en ne forçant pas trop et longe les contreforts sud des hautes montagnes du Haut Atlas dans une atmosphère opaque, poussiéreuse, décevante. Bivouac encore, avec encore une vue jolie jolie.

 

Dimanche, c’est parti par une piste jusqu’à Aït Kallat, détour qui me permettra ensuite de passer au cœur du massif du Siroua, de géologie particulière, volcanique, et réputé pour son safran, qui fait partie de l’anti-atlas. En effet les montagnes de l'Atlas se décomposent en trois chaînons distincts : le Moyen Atlas, le Haut Atlas et l'Anti-Atlas. Ce dernier chaînon, le plus au sud, regroupe le djebel Saghro (où j'avais randonné l'an dernier, magnifique), le djebel Siroua et l'anti-atlas de Tafraout. Bon, cette étape courte dans le djebel Siroua est une horreur pour les jambes, les côtes sont des rampes que je passe pour la plupart en marchant, les descentes se négocient sur les freins. Le démiurge devait être en colère ce jour-là pour créer un paysage aussi torturé. Je parviens à Amassine où je pense récupérer un axe plus important mais décide surtout de demander l'hospitalité. Je suis accueillie dans la première maison, sauf que ces gens sont pauvres, qu’en guise de dîner nous avons partagé 4 oeufs à trois. Je ne peux pas manger mes provisions devant eux et comme celles-ci s'épuisent et que dimanche oblige, tout est fermé, je ne peux pas non plus me départir du peu qu'il me reste pour le lendemain. Je m’endors le ventre creux… Par contre, bonheur, j’ai l’occasion de “décortiquer” le fameux safran. En fait, il s’agit de récolter des crocus sativus qui poussent dans ce massif, cultivés ou non, pour ensuite prélever les trois stigmates rouge, puis les sécher. Sur le marché européen, le prix de vente oscille entre 30 000 et 40 000 euros le kilo. Octobre, la saison démarre, et sera aussi courte que celle de nos colchiques (proche cousin). Je ne vous raconte pas le boulot que c’est…

 

Lundi matin, petit déjeuner réduit à un thé, je leur laisse un billet pour l’hébergement qui pour moi, n’a pas eu de prix. Et l’axe plus important, que nenni, j’apprends que je dois aller jusqu’à Askaoun avant de retrouver l’asphalte, mais aussi que Blake, qui a vu Jipe et Marie, m'accueillera dans sa famille. Je pars le coeur joyeux et cet état ne me quittera pas de la journée. La piste est en pente douce et je n’ai pas à pousser ma monture pour atteindre les 2 cols à 2500 m, les paysages sont juste un gros coup de coeur et donnent franchement envie de s’attarder en rando itinérante dans ce massif. Autant de vallées douces, de sommets bruts, de villages pittoresques, une activité pastorale intense, des sources d’eau partout, bref, l’idée d’un paradis sur terre, à 2500 m d’altitude. Comme mon étape est très courte, je me prélasse, me vautre dans ce décor enchanteur, me repais de bonnes sensations, et finis par arriver à Askaoun vers 13 h. Petit arrêt gargotte, achats pour le lendemain et hop, Blake arrive. Je le suis jusqu’à la maison sur les hauteurs du village voisin. Premier thé. Pendant qu’il prépare le tajine pour nous deux, je me douche et règle perfecto mes freins dont j’ai changé les plaquettes il y a deux jours. Tajine. Tour en scooter dans les jardins, visite de l’agadir du village, ce grenier fort à la fois collectif et individuel, mais ancestral et toujours usité. Son gardien se fait vieux. Retour à la maison, thé, puis dîner vers 21 heures et enfin, enfin… dodo ! Tous ces repas devraient finir de me requinquer !

Blake a 24 ans, il travaille comme laborantin (études de chimie) au secteur “or” de la mine d’Askaoun où sont extraits principalement de l’argent, du zinc, du cobalt, et un peu d’or. Il travaille en 3 x 8 et nous quitte à 21 heures après avoir préparé le dîner pour sa sœur et sa mère, au jardin toute la journée. Son père est dans la montagne avec le bétail.

C’était drôlement bien chez Blake, dommage que je me sois faite bouffer par les punaises de lit, déclenché l'allergie habituelle, et au possible en avoir amené dans mes affaires… à suivre. Vive la cortisone. 

 

Le lendemain, définitivement requinquée, énergie revenue, gêne intestinale enfin disparue, je me fais vraiment plaisir à gravir les dernières bosses du Siroua avant de plonger dans la fournaise de Taliouine. Le prix de l’or rouge, le safran, s’y discute ferme au cul des kangoos ou autres utilitaires, ce sont les femmes qui ont les narines qui frétillent et donnent leur avis d’expertes. Après un repas gargantuesque dans un boui-boui, je me remets en selle, direction toujours le sud ouest. Je quitte rapidement la nationale peu passante pour une route qui sera de plus en plus déserte au fil des kilomètres. J’installe mon bivouac à 15 h, à l’ombre d’un arbre, le dernier avant au moins 25 km… Il fait trop chaud, ça monte et le vent ne m'aide pas. Avec 87 km et 860 d+ au compteur, ma journée est faite, le reste pour demain. Je passe en revue t-shirt de nuit, drap sac et duvet, et… déloge la méchante punaise encore gorgée de mon sang tentant de se faire la malle en loucedé sous mon matelas.

 

Nuit calme loin de tout, ça fait du bien. L’étape du jour, déjà difficile par le relief, est rendue exténuante par le vent de face. Je suis remontée sur des hauts plateaux dont je me demande un peu s'ils font déjà partie de l'anti-atlas de Tafraout. J’avance bien encore, passe Igherm, et à la sortie du village, me charge de 8 kilos d'eau, n'etant pas sensée en retrouvervavant le lendemain. L'arrêt à la mosquée pour ce faire me vaut un délicieux couscous accompagné de kefir, nickel. Je repars le ventre plein, le vélo bien lourd et finalement avance plus que prévu, et pose mon bivouac en toute discrétion. Sauf que… ayant demandé des infos à Jipe sur un de leur précédent bivouac, il a cru bon de dire au poste des forces auxiliaires que j’allais passer (pour qu'ils m'accueillent et que j’y pose aussi ma tente). Mais je ne m’y suis pas arrêtée parce que l’endroit ne me plaisait pas (vent, chiens, mosquée…), les militaires se sont inquiétés, m’ont cherchée, ont ratissé les alentours jusqu’à 10 km, et ont fini par me trouver. Démontage, remballage, panier à salade, remontage et nuit de merde avec un chien qui a gueulé une bonne partie de la nuit à 20 mètres de ma tente. Je pars le lendemain sans me retourner ni saluer les bidasses, un peu furax contre la terre entière.

 

Heureusement, la route déserte, les hauts plateaux, la fraîcheur relative, le paysage, l’absence de vent me réjouissent et je me régale. Je rentre vraiment dans le cœur de l’anti atlas de Tafraout, je bifurque à droite pour aller voir d’un peu plus près cette partie du massif qui se distingue déjà par la couleur de sa roche, plus foncée. Dans les villages, les femmes portent des tenues qui pourraient s’apparenter à des nikabs, il n’en est rien, je passe dans la tribu des Ammelns, et c’est la tenue traditionnelle, toute noire, légèrement et finement brodée, avec aux pieds des babouches très colorées, superbes. À Ida Ougnidif ce jour-là, je suis accueillie dans la famille de la pharmacienne car il n’y a aucune possibilité d’hébergement dans la bourgade. Les trois femmes de la maisonnée sont excitées comme des puces d’avoir une française à la maison. Les deux jeunes parlent un peu français et anglais, ce qui permet de communiquer, et de leur dire d’arrêter de vouloir à tout prix fuir le Maroc pour la France ou l’Allemagne, le rêve pour beaucoup. Comme souvent, le dîner se prend tard, entre 20 et 21 heures, alors que je lutte depuis un moment contre l’endormissement !

 

Vendredi 17 octobre, normalement, c’est le dernier jour de ce voyage avec des dénivelés de dingue (je cumule 30 000 m depuis Nador), je pars vers 8 h 30 avec l’objectif d’atteindre Tafraout, où je pourrai me poser quelques jours. Je passe par la montagne, quasi déserte, j’ai dû voir en tout et pour tout une dizaine de véhicules, pas plus d’humains. Par contre, le nombre de lacets négociés, en montant ou en descendant fût impressionnant. Je ne pense pas avoir eu 100 m de plat consécutifs de la journée. La chaleur aidant, je termine mon étape bien séchée, dans tous les sens du terme. L’arrivée par en haut sur la magnifique vallée verte de Ammeln restera gravée, entourée de massifs montagneux imposants. Et l’arrivée dans la petite bourgade calme de Tafraout marque une étape importante de ce voyage. Deux jours de repos me sont nécessaires, ma petite chambre orientée nord, avec wc, douche et petite terrasse au calme et privative, ne me coûte que 5,5 euros la nuit et ne devrait donc pas me ruiner !

 

 

 

 

Détails
Publication : 18 octobre 2025

Semaine exigeante à travers l'Atlas


 

À Ouzoud, j'avais pris le petit déjeuner, à 8 heures. Il s'est fait attendre, mais ça en valait la peine. De compèt le petit déj ! Je suis partie trop lourde, et après ces quelques journées bien remplies, les jambes et l’organisme demandent un peu de repos. Je rejoins la jolie ville d’Azilal, 30 000 habitants, 1400 m d'altitude, et m’y pose dans un hôtel modeste (où j’aurai tout de même une douche chaude). Dans cette ville et pour une fois, ça ne pétarade et ne fume pas de partout. Il y a la rue principale, circulante, et le reste, où une auto ne saurait s’aventurer. Les échoppes de fruits et légumes sont très bien fournies, les petites gargotes sont foison, et le choix est donc grand. La place centrale, marbrée, possède même de petits jets d’eau qui se mettent en route le soir venu. Un dinosaure incongru donne un autre point de repère et les mamans ou les papas font des tours de voitures miniatures électriques marquées “police” ou “barbie” avec leur enfant, autour de la place propre. Très kitch tout ça… Le souk permanent se situe dans les ruelles juste derrière. Autour de 19 heures, au coucher du soleil, toute la population vient flâner et les terrasses s’emplissent d’hommes, et seulement d’hommes. Autrement dit, je me sens un peu regardée… J’ai bien aimé Azilal, c’était calme pour une ville marocaine. Mon voisin de palier est un Flamand, seul européen croisé ici. 

 

 

Le lendemain matin, j’espère juste avoir plus de jambes que la veille parce que sinon, comme on dit, j’ai pas l’cul sorti des ronces, tant les dénivelées qui m’attendent sont importantes ! Je pars doucement. La route est trop passante pour tirer des bords et la pente est tout sauf régulière. À une importante bifurcation, je prends à droite vers la vallée d’Ait Bouguemez, bien nommée la vallée heureuse pour sa verdure, ses jardins abondants, ses hectares de pommiers, ses greniers forts perchés sur des collines à la forme conique parfaite. Plus une voiture, la route est en macadam pourri, troué, percé, et les travaux durent 25 km, donc toute la montée et la descente suivante. Paysage de ouf, tant depuis le col à 2200 m, que dans la descente vertigineuse qui plonge vers Aït Abbas et la vallée de l’oued Lakhdar, profonde, cultivée, enjolivée par de nombreux hameaux pittoresques en terre battue. Je suis bel et bien dans le Haut Atlas. Quelques rencontres sympathiques, quelques verres de thé bienvenus. Il faut maintenant remonter cette vallée pour atteindre la vallée heureuse que je reconnais pour l’avoir parcourue l’an dernier. Je me pose dans un gîte et comme toutes les chambres sont pleines, je me vois conviée à dormir dans l’appartement familial, qui fourmille de femmes. Accueil royal comme d’habitude. Il faudra juste attendre 20 h 30 pour manger le tajine avec les autres touristes, la cuisson est longue, c’est le secret du goût du tajine, il faut que ça mijote loooonnnngtemps ! Le gîte est situé pile poil au pied du grenier sur la colline, que nous avions visité l’an dernier avec Philippe en revenant du sommet du M’Goun.

 

Vendredi 3 octobre, le muezzin tout proche s’en donne à coeur-joie depuis 5 heures du matin sans interruption. La cause en est qu’une habitante est décédée hier, alors il faut prier… 

Elle était âgée ? 

Oui

Quel âge ?

55 ou 58. 2, 3 jours malade et hop, c’est la vie !

Ok

 

À noter que la personne avec qui je parle fait bien 60 ou 65 ans et c’est quand même plus la mort que la vie ! Après un solide petit déjeuner, je prends la route, et quelle route ! Monter d’abord de 1800 à 2910 m au col, sur le goudron merci. Voilà déjà 1100 m de d+ en 13 km. Il a fallu parfois pousser dans les rampes ! Ensuite, la bascule dans la vallée d’Ouzighimt, magnifique, 10 km de piste qui secoue la mécanique, les genoux, les poignets, les valises. Faire attention à ne rien casser… 12 km/h de moyenne. Puis petite pause thé, pain, sardines, invitée chez l’habitant où j’avais demandé de l’eau. Allez ensuite, goudron à nouveau pour monter le second col, je remets 650 de d+ pour peu de kilomètres, et en haut, décide de laisser la suite pour le lendemain. À chaque jour suffit sa peine, j’ai déjà fait gros hier. Je dors donc au beau milieu du Haut Atlas, pas très loin de la ligne de crête, à un col venté à 2815 mètres. Comme le vent est assez fort et pas très chaud, j’ai monté ma tente à l’intérieur d’un abri de berger, à l’écart de la route. En pierres, sans porte (juste une ouverture bien orientée), le toit est fait de branches recouvertes de bâches et de terre. Je suis là depuis 15 heures. Une famille est venue regrouper les moutons, chèvres et ânes éparpillés, j’ai regardé la lune se lever et le soleil se coucher. Je vais enfin profiter d’une nuit sans clébard, sans muezzin, sans bruits de rue, sans bagnole, sans réverbère ou autre source lumineuse, bref… une nuit ! Il est 19 heures, même les cimes ne sont plus éclairées. Bouhhhh, les bras de Morphée, vite et bien.

 

Je commence le lendemain par une courte descente puis une très raide remontée à 3005 m, soit disant la plus haute route carrossable du Maroc. Là haut, je tape la discute quelques instants avec 3 motards marocains et le gardien de l’antenne (telecom). Oui, c’est un métier… et admire le paysage… La descente qui suit me fait littéralement plonger dans la vallée d’Ameskar par des lacets serrés, raides, où les plaquettes de frein en prennent un sacré coup ! A Ameskar, je devrais normalement regrimper un col par la route goudronnée mais tout le monde me conseille de suivre l’oued pour éviter cette infâme remontée. Je me retrouve ainsi sur la piste en galets, à passer des gués, puis m’engouffrer dans les gorges du M’Goun, spectaculaires et très étroites où il y a juste la place pour le canal d’irrigation, la piste et le ruisseau. Seule au monde dans ce décor grandiose, je ressors à Ameljag et n'ai plus qu’à rejoindre le haut de la vallée des Roses, route parcourue déjà l’an dernier. 10 km avant Kalaat m'gouna, la ville du secteur, je rejoins Jipe et Marie. 

 

Le jour suivant, nous rallions Ouarzazate par 90 km de route nationale sans virage et vent en poupe, égayée seulement par des kasbahs imposantes. La palmeraie de Skoura est censée être une des plus belles du pays mais ils avaient oublié de passer le plumeau sur les palmiers, qui faisaient plutôt pitié. Arrivés et posés à Ouarzazate, nous retournons visiter la kasbah Taourirt, grand dédale, véritable labyrinthe, en totale réfection (durée estimée des travaux : 10 ans). Le soir, je me sens faible, la nuit est minable, bruyante, excessivement étouffante, faite d’aller-retours incessants aux toilettes. Quand mes compagnons partent ce matin, je décide de passer la journée ici, trop faible pour envisager quoi que ce soit. Changer d’hôtel relève déjà de la corvée… donc je change juste de chambre, plus petite mais équipée de la clim et salle d’eau privative avec PQ !

 

En plus de l'accumulation de grosses journées, de trop fortes chaleurs, de nuits où je ne dors guère, c'est, je pense, l'ingurgitation d'eau ou d'aliments "malpropres" ( je ne saurais dire où et quand), qui ont eu raison de mon organisme. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que ça aille mieux demain. Je n’ai rien mangé aujourd'hui, juste bu un coca dégazé… Le gérant est prévenant et compatissant.

 

PS _ le lendemain : contente, j'ai pu aller toute seule à la pharma, me voici avec mes boites de médocs sur la table de chevet. Maintenant, il faut que je trouve riz blanc et patates à l'eau, mais quitter la proximité immédiate des toilettes est un risque immense !!!

Détails
Publication : 6 octobre 2025
  1. Les contreforts du Moyen Atlas
  2. Se remettre dans le bain de chaleur
  3. Maroc encore
  4. Au boulot !

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