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Retour au bercail


 

Je quitte la ville de Tanger en short. Il y a au moins le contenu d’une sacoche entière que je n’ai pas servi, n’ayant pas fait de rando en altitude. Les gants et fins surgants, collant, sous vêtement chaud, petite doudoune, pantalon de pluie… Sans compter ce qu’il faut toujours emmener, au cas où, la mécanique, la pharmacie et trousse secours. Et puis le sac à dos. Et puis le réchaud et l’essence et la gamelle que j’ai très peu servis. La veste de pluie qui m’a servi une fois de coupe-vent, en ville. Ceci dit, à l’heure qu’il est, pas certaine que je ne m’en servirai pas pour rentrer chez moi car il va y avoir un choc thermique au moment de remonter dans le Jura, où il faudrait des pneus cloutés.

 

Mes derniers kilomètres au Maroc furent montagneux, agréables. J’ai profité du soleil et des températures idéales, me suis rincé l’œil dans la Méditerranée, avec le rocher de Gibraltar bien visible en point de mire. D’ailleurs, le fait d’avoir pedalé la côte marocaine fait une belle continuité sur le rivage atlantique avec mon périple de 2014 entre Dunkerque et Gibraltar.

Je m’égare… J’ai savouré ces derniers kilomètres.

 

Voilà le port, que je connais pour l’avoir pratiqué l’an dernier. Immense, moderne, calme. Enregistrement entre 11 h 30 et 16 h 30. J’y suis à 12 h 30 après avoir dépanné un cycliste marocain qui avait un pneu à plat le long de la route. Il n’y a plus qu’à attendre l’embarquement, à discuter avec d’autres cyclos (10 en tout sur le bateau) et motards. Le navire quitte le quai à 21 h 30. Bye bye terre africaine, bye bye Morocco. 

 

Nous larguons les amarres à 21 h 30. C’est parti pour 40 heures, dont 2 nuits. Je partage la cabine de 4 seulement avec Nadia, discrète, calme et fort sympathique. Une partie de la journée pleine sur le bateau est occupée à “randonner” pour tenter d’atteindre les 10000 pas avec un couple cyclo franco britannique. À force de glandouille, le soir arrive, la mer est houleuse, nous tangons comme des pochtrons lors de nos moindres déplacements et il n’en faudrait guère plus pour commencer à mettre à mal les estomacs sensibles. Toujours avec mes deux cyclos, nous regardons, que dis-je, nous extasions, nous laissons envahir, dans l’obscurité épaisse et abrités du vent, par le déferlement, les roulements, les mouvements de ces énormes et puissantes masses d’eau et d’écume. Des creux de 3 mètres de haut, c’est peu mais déjà très impressionnant. Un spectacle à part entière. Le navire, imperturbable dans ce chaos liquide, trace sa route dans la nuit. Nous ne nous imaginons même pas dans les canots de sauvetage qui nous apparaissent soudain pas plus gros que des coques de noix. La puissance des éléments nous fait taire. C'est comme une hypnose, un envoûtement. Pour rentrer à l'intérieur, nous nous mettons à deux pour tirer la porte que le vent retient, et avec toutes nos forces, finissons par l’ouvrir juste assez afin de nous glisser dans le couloir.

 

Le lendemain, nous sommes réveillés à 7 heures par le haut-parleur. Nous serons au port à environ 9 heures (au lieu de 12 h 45) et les cabines doivent être libérées dans 30 minutes. Le navire s’immobilisera contre le quai de Sète à 10 heures. Si jusque là le retour se faisait dans la douceur et la lenteur, le fait de poser pied à terre en France me fait passer la seconde.

 

Le mistral me mord les joues, me glace, me cloue sur place dans mon déplacement jusqu’à la gare, je sors le gros bonnet. Vu l'heure, je pourrais être chez moi ce soir, certes tard, mais après quelques tergiversations téléphoniques avec un ami du Jura qui devrait venir me chercher à la gare, il apparaît que, vu l’état catastrophique des routes dû aux chutes de neige et la nuit, lui faire faire l’aller-retour Bellegarde s’apparenterait à une véritable expédition. Je reste finalement sur le plan initial, fait escale à Valence chez mes amis Bruno et Marianne, où j’arrive en milieu d’aprem. 

 

Et le lendemain, je rallie finalement Genève en train, puis pédale 25 km au bord du Léman et sous l’unique averse de la journée, jusqu'à Nyon, pour reprendre un train jusqu’à la Cure où Paco me cueille avec la voiture d’Isa pour m’emmener chez moi. Association de bienfaiteurs... À ce moment-là, je passe de la seconde directement à la cinquième. Il a pris deux pelles car 50 cm de neige obstruent l’accès à ma porte. C’est l’hiver, les paysages sont superbes, les majestueux épicéas sont couverts de neige. Paysage de carte postale. Ça remet vite dans le bain, partie du Maroc en short, j’arrive chez moi avec polaire, gore tex, gants, surpantalon, bonnet, et froid aux pieds malgré les sacs plastique entre chaussettes et baskets. Il fait 0 degré dans mon appartement, les velux de ma mansarde sont sous la neige. Le feu n'attend plus qu’une allumette pour démarrer… anticipation du 12 septembre. 

Puis il faut sauter dans la bagnole avec les cabas pour aller s’approvisionner en denrées alimentaires, finir de déneiger, me battre avec mes velux pour ôter la neige et ne pas vivre comme une taupe, dans le noir, passer quelques coups de fil qui priment…

 

Le voyage est terminé. Loin déjà, même s’il y a seulement quelques heures, je n’étais clairement pas encore rentrée. 

 

Et ce voyage fût bon encore, doux, sans bagarre jamais contre les éléments, sans difficulté notoire, sans mauvaise expérience, comme si j’avais juste eu à me laisser glisser, et vivre, sobrement. Le voyage le plus facile, je pense, que j'aie fait. Même mon coup de calgon à Ouarzazate n’est plus qu’un très lointain souvenir. Et je maintiens que le Maroc, après ce deuxième opus, est un bel endroit pour aller se promener à vélo. Paysages, population, culture, diversité, climat, dépaysement, facilité d’accès, sécurité, coût de la vie, accueil ; tout est aligné pour passer un agréable et régénérant séjour. 

 

3509 km, 43485 mètres de dénivelée positive. 70 jours sur place, 78 jours en tout. Le transport (train + bateau) représente quasi un tiers du coût total du voyage (1380 euros en tout en étant souvent à l’hôtel). 

 

Si j’ajoute le voyage de 2024, ce sont environ 7000 km de routes marocaines parcourues : un bon aperçu du pays, sans plus. Il y aurait encore de la place pour faire un bon mélange de vélo/rando de 2 ou 3 mois pour aller plus profond dans les massifs et la culture berbère.

 

Dès le lendemain de mon retour, je sors les skis de fond et parcours avec volupté les pistes de la forêt du Risoux dans ce paysage de rêve…

 

Vous trouverez encore quelques photos supplémentaires dans la rubrique dédiée. 

À bientôt pour d’autres aventures, quand et où ???

 

Détails
Publication : 27 novembre 2025

De Rabat à Tanger par Meknès


 

Disposant de trop de temps pour aller à Tanger sans m’ennuyer, je décide donc d’un détour. La météo s'annonçant compliquée fin de semaine, je dois toutefois rester sur mes gardes, ne pas aller trop loin, au risque d'avoir à pédaler dans le mauvais temps pour finir… je ne vais pas m'infliger des supplices inutiles. Meknès, ville classée au patrimoine mondial de l'Unesco me fait de l'œil, je pourrai ensuite soit revenir sur la côte, soit poursuivre dans les terres par Ouezzane, le ciel décidera pour moi. Donc Meknès, c'est parti ! Voie rapide, puis nationale avec petit accotement, puis route de campagne déserte dans un fond de vallée arborée. Après avoir passé Tiflet et Khemisset, je me pose vers 15 heures en catimini dans une plantation de mandariniers délimitée par des cyprès et des haies d’épineux, en poussant un rare portail non cadenassé mais grinçant. À l’abri du vent, des regards et du soleil chaud, je n’y verrai personne bien que j’aie entendu une voiture s’arrêter en début de nuit, le portail s’ouvrir, se refermer… j’en suis loin, mais tous mes sens sont en éveil et ma discrétion est immense. Des hommes sont d’ailleurs passés de l’autre côté de la haie sans déceler ma présence. Pas de bruit, pas de lumière. Bref, nuit tranquille. Les 38 km et 500 de d+ me séparant de Meknès sont avalés le lendemain matin sous les nuages et j’arrive au centre-ville quelques kilomètres seulement après avoir quitté la petite route de campagne, jalonnée de fermes, de chiens enquiquinants et de bonnes rampes où j’ai dû pousser mon vélo vert et son chargement, vert également. La recherche d’hôtel peut commencer, le premier est complet. Juste là, je croise une Française sur le trottoir, lui demande où elle loge, et ma foi, me rends à l’endroit indiqué. C’est un riad somptueux, il y a des chambres et des dortoirs de 5 lits. C’est très propre, le tarif est acceptable (moins de 10 euros). Toit terrasse dominant le reste. Je m’installe, bien qu’aucune cloison entière ni mur plein ne sépare les dortoirs, ni entre eux, ni du patio dont le rez-de -chaussée est… un restaurant ! Je ne paie qu’une nuit pour commencer et pars me promener dans la médina sous le ciel toujours gris. Ce n'est pas gênant car quoi qu'il en soit, sauf à être dans l'axe parfait des ruelles, le soleil ne plonge que rarement au fond des artères à la fois trop étroites et trop hautes. Au moins, pas de contraste compliqué à gérer avec tout noir d’un côté et cramé de l’autre. J'aime bien cette médina, elle est calme, habitée, pas trop commerçante, propre. Mes pas me mènent ensuite vers d’autres intérêts comme le bassin Agdal, réserve d’eau ancestrale, accolé aux écuries et greniers antiques fermés actuellement, le palais royal dont on ne voit que la porte mais dont on devine l’étendue puisque le tour de l’enceinte fait 3,5 km. En fait, à l’intérieur, se trouvent l’ancien palais en ruines de Moulay Ismaïl, le palais de Momo 6, et le golf royal. On voit tout bien en vue satellite sur gogole map. Si je suis passée voir le mausolée de Moulay Ismail, c’est uniquement pour voir les mosaïques, les boiseries et la pierre sculptées, l’art floral, la géométrie et la calligraphie qui sont les 3 piliers de l’art arabe. J'ai terminé par la cité médiévale, déroutante, un autre monde d’arches, de murs très hauts, de voûtes, de vieilles pierres sur des murs rénovés. Beaucoup d’impasses. La cité est habitée, par des familles. Ce lieu est vraiment surprenant. Ce sera le même programme le lendemain, mais avec le soleil en plus et sous le ciel bleu, à aller me perdre un peu plus profond... Comme à Rabat, la ville comporte des kilomètres de remparts et un petit tas de portes travaillées. La médina, habitée et vivante est très agréable, colorée, à taille humaine. Mon séjour à Meknès fut donc plaisant… ce n’était pas une raison pour y laisser un t-shirt technique manches courtes jaune pétant Espace Évasion que je regrette déjà ! Je m’en veux, je ne comprends pas, je regarde systématiquement par terre, sous le lit, sur le lit, et je ne l’ai pas vu, c’est une énigme, un mystère…

 

Et puis il a fallu prendre la décision de la prochaine destination. J’ai fait travailler sévère mes méninges. Tel jour à telle heure, il fait beau là, il pleut ici, le front vient d’ouest, ils annoncent ça ici, et ça là-bas… ok, donc en faisant comme ci et comme ça, en partant pas trop tôt, je ne devrais croiser que deux averses. Et j’ai prévu les étapes en conséquence avec des haltes là où il y a des hôtels car les nuits seront à priori toutes arrosées. J’oublie l'option de continuer dans les terres, vais me rapatrier sur la côte où ça semble plus clément.

 

Je commence donc par une étape de 110 km qui aboutit à Souk El Arbaa, rondement menée avant d’avoir du vent latéral trop fort, par la nationale d’abord calme, et qui s’est chargée au fil des heures sans devenir un problème. Le vent m’a d’abord aidée, mais j’ai ensuite dû appuyer, pour finir par me battre un peu. Un seul hôtel répertorié, annoncé comme un taudis. Effectivement. État de saleté et de délabrement très avancés. J’aurais pu prendre une “duche”, vu qu’y avait pas d’o, fenêtres explosées, bref, à se demander comment ils peuvent encore avoir l’autorisation d’ouverture au public… Mais de l’autre côté de la rue, je vois “café/hôtel”. Donc je traverse, et me voici logée dans un hôtel simple mais propre, avec douche eau chaude sur le palier, une petite chambre simple avec lavabo, table, chaise, miroir, fenêtres et volets qui ferment, au second pour ne pas entendre le bruit du foot à la télé au bar, toit terrasse avec fil pour étendre ma lessive, accueil sympathique, prix modique, c’est parfait. Et s’il faut rester là jusqu’à mardi matin à attendre que le déluge passe, ce ne serait pas bien grave… je vais d’ailleurs y réfléchir car il y a un bon resto à côté, et le marché est bien fourni en fruits et légumes. 

 

Dans la soirée il se met à pleuvoir et le matin, les flaques d’eau cachent une bonne partie du macadam. Je laisse passer l’averse de 9 heures et démarre. La route est trempée mais le soleil est là. C’est bien sûr ce jour-là que Iphigénie, Mapy et autres applis m’envoient sur une route jaune sur les cartes, qui est en fait une piste, qui s’est transformée en bourbier avec la flotte. Mes baskets et mon vélo en ressortent couverts de boue, mes mollets aussi. Passage de ma monture au jet haute pression dans la première station-service. À la sortie du village, je croise la rabasse de 11 h annoncée, je m’abrite sous un hangar, mes lunettes de vue tombent, une branche se fait la malle, je sors la pince coupante pour réparer, avec mes lunettes de soleil embuées par l’humidité sur le nez. Oui parce qu'elles sont aussi adaptées à ma vue, et parce que sinon j’y vois tout flou pour réparer les autres, c’est con hein, mais faut toujours avoir deux paires à sa vue. Bref, je finis par y arriver et me rends compte à ce moment-là qu'il y a 4 personnes à côté de moi, qui éclatent de rire quand je prends conscience de leur présence, la bouche en rond. J’étais tellement focus lunettes… Bon, la rabasse est passée et j’étais bien contente de ne pas être dessous. J’en profite pour contenter mon estomac, puis repars. Normalement, je ne devrais plus avoir de pluie aujourd'hui. Je traverse une belle forêt mais jonchée de déchets comme c’est peu croyable, puis navigue entre des jardins, des serres, et me retrouve avec Gabriel, un jeune cyclo bordelais, pour les 25 derniers kilomètres. Il finit par me demander ouvertement mon âge, un peu surpris par mes “capacités physiques”. Ah ah, il faut dire que son vélo menaçant de tomber en ruines craque de partout, qu'il est très chargé, pédale en claquettes et tout ceci n’aide pas à un pédalage fluide contre le vent. Mais oui Gabi, une femme de 55 ans, ça peut avancer non de bleu… Bon, je n’ai pas vu le temps passer, me voici à Larache, au centre-ville et je trouve facilement à me loger. Ma petite chambre pas chère me plaît bien, j’ai les bruits de la rue mais les boules Quies sauveront mon sommeil. L’ampoule au plafond diffuse de la lumière même “éteinte”, et ça, c’est plus embêtant, et je ne peux pas l’atteindre ! Une fois douchée et ma lessive faite et mise à sécher sur le toit-terrasse, je peux partir voir cette ville que j’avais imaginée sans intérêt. Eh bien, j’ai été très surprise. D’abord il y a la violence de l’océan qui prend aux tripes ici encore, les alignées de tétrapodes brise-lames à l’entrée du port et de la lagune, les anciens remparts et bastions, en rénovation, la plage immense en face, le port aux bateaux colorés, la médina pour le moins labyrinthique, toute en pente et en escaliers, et qui se prend parfois pour Chefchaouen avec ses bleus et son blanc, qui dégringole jusqu'à une grande esplanade où les gosses jouent au foot, et il y a la corniche, et le gros ovale central de la ville nouvelle où l’architecture est espagnole, et le marché sur une jolie place pavée ornée de fresques murales. Bref… c’eût été dommage de ne pas venir à Larache. Dans la soirée comme prévu la pluie revient, mais ma lessive est sèche et je suis à l’abri !

 

Le lendemain lundi, comme prévu les averses alternent avec les éclaircies, je sors, pour la 1ère fois du voyage, la veste de pluie pour aller prendre l’air mais elle ne verra pas l’eau. Rien de nouveau, je passe l’après-midi à regarder pour la suite… pas loin de la fin. Contrairement à ce que j’ai écrit la dernière fois, je ne compte pas les jours, ne fais pas de compte à rebours, je continue à profiter. La météo est annoncée bonne jusqu’à la date de mon bateau, il ne me reste plus que 2 hébergements à trouver (la partie la moins plaisante des haltes en ville), et 150 km à parcourir à vélo, en trois fois. 

 

Mardi 18, je remonte sur mon vélo pour faire 42 km seulement. Au matin, les routes sont encore détrempées des pluies intenses de la nuit mais le soleil est là et le vent faible m’est favorable. J’arrive à Asilah vers 11 h 30 et file direct à l’hôtel dont on m’a dit du bien. Toutes les chambres sont libres. Je prends la moins chère, toutes sont propres. J’ai des draps, une serviette, un lavabo, une table de chevet, une lucarne sur le patio garni de plantes vertes, une autre sur la rue calme, des patères, un miroir, sol carrelé et belle faïence au mur. C'est gai et coloré, le tout dans la superficie d’une petite cabane du Risoux, 2 x 2,4 m ! Douche chaude et toit terrasse, que demande le peuple ? Je pose mes affaires, mange mon pique-nique et pars visiter la petite bourgade, très charmante. Le port de pêche est croquignolet, l’esplanade trop propre, la médina derrière les remparts offre du calme, des petites ruelles à foison, plein de fresques murales. Bref, c’est encore une très jolie halte que je fais là. Au coucher du soleil, celui-ci éclaire les remparts et les murs blancs et bleus. Rien à dire, c’est très sympa. Saison morte, à part deux bus de touristes et une quinzaine de campings-cars sur le parking qui leur est attribué, personne. D’ailleurs je suis absolument seule à l’auberge.

 

Le jour qui suit, je n’ai qu’une soixantaine de km à faire sur le vélo, et un marathon pour trouver à me loger. Aller à Tanger, sans vouloir y passer un automne (certains comprendront). Dernière ville de cette infernale série. À vélo, je pars toujours en short mais les matins sont frais et les manches longues indispensables. J’ai suivi la côte au mieux, longé des lagunes, été voir le phare du Cap Spartel. Il paraît que c’est ici que se mélangent les eaux de l'Atlantique et de la Méditerranée… C’est vrai que la côte marocaine, à cet endroit, fait un virage à 90 °, qu’elle quitte une direction plein Nord pour prendre plein Est et initier le détroit de Gibraltar dont la partie la plus rétrécie se situe un peu plus loin, à 40 km environ. Bon, depuis la corniche de Tanger, l’Espagne est aujourd'hui très visible, on la touche du doigt en tendant le bras. A midi je suis dans la médina, dans le quartier des hôtels pas chers. Certains sont bien bien miteux, et les autres beaucoup trop chers. Je finis par louer une chambre double (pas de single dispo) dans une pension au fond d’une impasse. J’y espère du calme. C’est propre, j’ai drap et serviette, lavabo. La douche sur le palier est propre et chaude. Je m’installe et pars à pied prendre quelques points de repère pour les jours suivants.

 

Tanger, toujours cette chanson dans la tête, elle ne me quittera pas tant que je ne la quitterai pas moi-même. Il n’y a franchement pas grand chose à voir. La médina, ok, les ruelles sont trop étroites, trop hautes, trop commerçantes, aucun rayon de soleil et pas vraiment de détails croustillants à se mettre dans l’objectif, même en arpentant de bas en haut et de droite à gauche au pas de sénateur, coincée derrière des groupes de 50 en file indienne. Beaucoup d’Espagnols. D’ailleurs c’est dans cette langue que je me fais souvent alpaguer, exit le french, ça rafraîchit mes modestes connaissances. Sinon, que des commerces. Les portes n'ont rien de spectaculaires. Non, je ne suis pas blasée. Le quartier Dradeb, tout en escaliers, pas de commerces, des habitants, et visiblement pas les plus riches de la ville. Ça fait comme une autre médina sauf que le quartier n’est pas ceinturé. De loin, et au soleil toute la journée, l’étalement des murs blancs sur le flanc de la colline est plutôt photogénique. Ensuite, le port, de pêche, de plaisance ou de ferries, tout est totalement inaccessible, ce qui se comprend, si près de l’Europe. Les remparts et bastions, les tombes romaines qui servent de poubelles, quelques mosquées, synagogues et églises. J’ai tout de même vu deux types faire un métier surprenant : fumeurs de pieds de bovins. C’est coupé au niveau du genou, il y a une cargaison de pieds sur le trottoir devant l’atelier, le type empale chaque pied sur une longue broche avant d’y mettre au-dessus de la braise. Ça c’est du métier. Alors, comme je ne vais pas faire 3 jours la même chose en attendant celui du bateau, je décide le second jour de prendre le bus pour sortir de ville et aller randonner dans la réserve du Cap Spartel, entre autres. Le bus me pose et après 1 km à pied, le sentier convoité disparaît dans les broussailles et arbustes piquants et griffants. Je galère, les cartes sont fausses, les sentiers n’existent pas ou plus, mais je finis par retomber sur une sente et poursuis vers le sommet du cap, à 300 mètres d'altitude, où est érigée une tour. Le phare, lui, est beaucoup plus bas, j’y suis passée à vélo. La vue côté océan : des plages de sable, pas de végétation, mais côté méditerranée, on a une belle forêt et une côte rocheuse. Alors c'est marrant, pourquoi ce serait juste là la jonction des eaux de la mer et de l’océan ? Qu’est ce qui fait dire ça ? Eh ben en observant l’eau justement, on peut voir des remous qu’il n’y a pas ailleurs, ça clapote, ça fait des petits courants circulaires, juste là, sur une centaine de mètres de large. Serait-ce donc ça ? L’atmosphère est bien limpide aujourd'hui encore, la côte espagnole très distincte du rocher britannique jusqu’à Cadix. Et puis il y a un radôme et des antennes sur un sommet tout proche alors je pourrais me croire à Poêle Chaud, avec la Dôle, le Léman (détroit), et l’Espagne c’est les Préalpes… Bon, j’ai continué, suis descendue jusqu'à la mer, comptant emprunter ensuite le sentier côtier jusqu’à Tanger. Je suis tombée sur des tentes faites de bouts de tissu, de bâches, de cartons. Des mecs vivent là ! Il y a plein de pêcheurs. Les mêmes ? Je me demande s’ils vivent là et pêchent pour assurer leur subsistance ou s’ils utilisent ces abris quand ils viennent pêcher… Certains ont l'air de vivre là. Toujours est-il que mon cheminement est empêché par des rochers surplombant la mer alors je dois tout remonter. Arrivée en haut, je chope le bus pour 3 km de route. Tout se passe bien un moment, mais ensuite, je suis encore empêchée par les forces auxiliaires qui m’interdisent un sentier. Décidément, je ne pourrai pas marcher le long de la mer, je dois me contenter du macadam entre deux murs de 4 mètres de haut. Il y a un militaire tous les cinquante mètres. Alors tant pis, je rejoins la ville, mange une omelette, des frites et des lentilles et rentre à l’hôtel. Demain sera mon dernier jour plein en Afrique, mon dernier jour plein au Maroc, mon dernier jour plein à Tanger. Alors pour terminer en beauté ce voyage, je m’offre un passage au hammam, avec gommage s’il vous plaît. Le hammam était moyennement chaud, en fait, ce sont des bains publics pour celles et ceux qui n’ont pas de salle d’eau chez eux. Celui où je me rends est réservé aux femmes, au cœur de la médina, donc populaire. On commence par se laver avec du vrai savon et de grands seaux d’eau. Ensuite le gommage. Allongée à même le carrelage en slip, je me suis fait bien frotter par la dame en short à genoux à côté de moi. Bon, après 2,5 mois de douches vite faites, de poussière et de sueur et de pollution, il n’y avait pas à douter de ce qui allait ressortir de ma peau. Je sais très bien pourquoi je voulais gommage et pas massage. De la tête aux pieds la dame a frotté, ôté la crasse, ça a fait massage en même temps, j’avais limite honte en voyant ce qu’elle enlevait. J’ai perdu mes marques de bronzage (nan, quand même pas). Bon, ça a fait du bien. Le reste de la journée est occupé à faire un gommage sur mon vélo plein de boue séchée, d’aller m’approvisionner en nourriture pour les 3 prochains jours et à glandouiller.

 

Ça commence à sentir sérieusement la fin, même si pour me rendre au port j'ai encore quelques dizaines de kilomètres à faire et 600 m de dénivelée positive, sur une route qui s’annonce belle.

 

Un dernier post quand je serai rentrée dans le Jura, où la neige et le froid sont bien présents, où les skis sont déjà de sortie ! Alors pour avoir un peu de chaleur, allez voir les photos, j’en ai remis une ballée dans la galerie Maroc 2025. Tchuss !

 

Détails
Publication : 22 novembre 2025

Côte atlantique de Safi à Rabat


 

Départ de Safi, comme d’habitude vers minuit 510. Non, il n’y a pas de faute de frappe. L’objectif, Oualidia, n’est qu’à 65 km, mais c’est le seul endroit où nous aurons peut-être la possibilité de trouver à nous loger dans nos prix (moins de 200 dir pour 2, soit moins de 10 euros par personne). C’est notre limite haute ! Un vent bien marqué de nord-est est annoncé, et nous nous dirigeons pile poil… nord-est ! D’ailleurs il est déjà debout quand nous partons. Une petite bosse pour atteindre la corniche où nous resterons, avec vue sur l’océan, quasi toute la journée. En contrebas, nous aurons alternativement des plages, des falaises, quelques patelins, des jardins, un phare ou deux. La route est neuve, lisse, agréable. Le vent oblige à appuyer sur les pédales. En début d'après-midi, nous sommes à destination. Oualidia, ville pour surfeurs, un ou deux hôtels trop chers impossibles à négocier, et comme quand c’est le cas, nous trouvons un appartement à louer pour une nuit, pour 200 dirhams. Nous nous posons, puis visitons à pied le lagon. La marée baisse et les bancs de sable se découvrent. Sur la plage Sud, les bateaux de pêche colorés se laissent prendre en photo. Nous recroisons deux jeunes françaises cyclotes, déjà vues à Essaouira.

Le lendemain, le vent est annoncé faible pour notre étape de 85 km jusqu’à El Jadida. Des haies nous en protégeons en fait, et heureusement, car il n’était pas si faible que cela. Quelques vues sur les marais salants, les jardins, mais la côte est brumeuse, la route passante, étroite et en mauvais état. Bref, une seule envie : sortir de là. La grande banlieue de El Jadida ressemble à celle de Safi, gros port, grosse centrale thermique d'où partent des tas de lignes haute tension, industrie lourde, réservoirs d’hydrocarbures… Ça pique les yeux, dans tous les sens du terme. À 16 km de El Jadida, je prends la route côtière, tranquille, lisse et jolie. Le soleil fait enfin sa franche apparition au phare du Cap Blanc. Débarrassée du trafic, au plus proche de l’océan, les 20 derniers kilomètres sont agréables. Avec Jipe, nous ne roulons pas du tout à la même vitesse, nous nous retrouvons lorsque la fin d’étape approche. Je pique nique donc seule à 9 km de l’hôtel convoité, sur une large esplanade, sur un banc. 2 badauds et une promeneuse de chien me demanderont si tout va bien pour moi, si j’ai tout ce qu’il faut… La dame me dit qu’elle a sa maison a 300 mètres. Ça fait vraiment du bien ces réactions prévenantes, et ça fait 7 semaines que ça dure ! Mais bon, j’ai tout ce qu’il faut…

 

Ayant coupé par le centre-ville au lieu de longer l’océan, Jipe arrive très peu de temps après moi à l’hôtel de Nice, situé dans un quartier plus que populaire ! Pas trop le choix des établissements dans notre gamme de prix. Nous sommes au coeur des attractions, phare, cité portugaise, souk, vie locale. La chambre est au deuxième, pas super grande, salle d’eau privée, c’est propre et il y a des draps, la vue est dégagée, le toit terrasse domine la ville. Moins de 7,5 euros par tête et par nuit. Nous en prenons 2 puisqu’il faut traîner. 

 

Le soleil est bien présent, je sors visiter en partie la cité portugaise, les remparts, où seule à un moment, j’ai l’impression lourde de me faire suivre par un jeune homme à l’attitude suspecte. J’accélère le pas et suis soulagée de voir débarquer deux visiteurs desquels je me rapproche. L’autre, évidemment, fait demi-tour. 

 

Des pêcheurs assis sur leur chambre à air, barbottent avec des palmes dans le port rempli d’ordures, des gamins sautent depuis les remparts et nagent dans les douves pas clean au bout desquelles se trouve un petit chantier naval. L’accès au port de pêche nous est refusé par les autorités locales. 

 

La vie bat son plein dans les rues congestionnées par les piétons. La nuit venue, les guirlandes lumineuses vertes qui ornent les minarets se mettent à crier. Ah non ! Oups, c’est le dernier appel à la prière, il est 20 h 30. Le muezzin le plus proche aurait dû faire chanteur !

 

Le jour suivant nous quittons El Jadida par les grands boulevards. Des joggers en pagaille, quelques femmes aussi, qui les pauvres, gardent leur tenue habituelle pour courir... Comme nous devons couper en deux encore les 110 bornes plates qui nous séparent de Casablanca, nous traînons, prenons le temps de visiter Azemmour après avoir laissé nos vélos sous bonne garde dans l’entrée d’une salle de fitness. La cité intra-muros est agréable, nous n’y rencontrons aucun touriste, il y a beaucoup de couleurs sur les murs, des fresques. Construite par les Portugais, elle est aujourd'hui entretenue, restaurée, rénovée, reconstruite par des Européens. Pas moins de 36 Français vivent là, et des Allemands… leurs maisons sont reconnaissables, ce sont celles qui tiennent debout, les autres croulant un peu sous les années ! De là, il nous reste 45 bornes, pas très intéressantes. Seul l’endroit de la pause pique-nique, à l’écart de la route, au bord de l’océan agité et assourdissant vaudra le coup d'œil. Aujourd'hui est jour férié, nous sommes le 6 novembre, commémoration de la marche verte. En 1975, pour que le Sahara occidental soit marocain, 350 000 personnes avaient marché… Un nouveau jour férié vient d’être décrété depuis le 31 octobre de cette année. Il y a quelques jours, le roi Mohammed VI considérant comme acquis le fait que les débats sur ce territoire désertique sont terminés, a proclamé un discours et ajouté un jour férié. Mais les Algériens n'interprètent pas le texte de la même façon, et rien n'est encore définitif. Il semblerait que le peuple Sahraoui doive se prononcer… alors que le Maroc voit un territoire autonome sous autorité marocaine et le considère déjà comme tel.

Bien, la bourgade où nous aimerions nous loger ne possède pas d’hôtel et les appartements sont chers. Pour finir, Aziz, rencontré par hasard, nous emmène à pied 3 km plus loin, et nous dégote un lieu. L’appartement est grand, le ménage n’a pas été fait depuis des semaines, des mois, voire des années. Cependant, nous avons du gaz, une douche chaude, de l’eau. Les fenêtres ne ferment pas, les cafards morts sont bien secs, les matelas sont corrects. Qu’est ce que j’aurais aimé venir directement à Casablanca ! Ce soir-là, Jipe m’annonce que contrairement à ce que nous avions planifié, il ne sera pas avec moi à Casa car il y retrouve un couple d’amis (vivant à Casa) pour le week-end, alors vraiment, qu’est ce que j’aurais aimé être à Casa ce soir... 

 

Je pars et roule donc à mon rythme le lendemain pour rejoindre la grande ville, capitale économique du pays. Les variantes de l’itinéraire, au plus proche de l’océan, permettent d’esquiver en bonne partie la 2 x 3 voies. J’arrive par l'esplanade de 7 km, passe par la pointe et le phare d’El Hank, avant d’arriver à l’impressionnante mosquée Hassan II, et atterris à l’auberge de jeunesse, basique. J’y loue un lit dans un dortoir de 5 lits pour 2 nuits, 80 dirhams la nuit (7,5 euros), petit-déjeuner inclus. Les chambres donnent sur le patio.

 

Après installation à midi, je retourne en tenue correcte voir la grande mosquée et déboule au moment de la prière du vendredi. Les gens se pressent, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, par centaines, mais la salle ne semble pas se remplir. Étant touriste je ne peux que regarder depuis l’entrée. Tout est très travaillé, des sols aux plafonds. La mosquée s'étend sur 9 hectares, et peut accueillir 25 000 fidèles dans la salle et 80 000 sur l'esplanade. Son minaret, le plus haut du monde, mesure 210 m. Construite entre 1986 et 1993 elle a un toit ouvrant de 3400 m2 qui pèse 1100 tonnes, les portes sont en titane et leur mécanisme est absolument silencieux. Elle est en partie érigée sur la mer, c’est très propre. Par contre, les quartiers juste à côté me replongent dans le tiers-monde et les ordures nauséabondes, il faut faire attention où poser les pieds, sous peine de glissades... Je vois la place Mohammed V devant le théâtre, celle des Nations Unies, le parc de la ligue arabe, l’église moderne et toute blanche, rentre dans la médina vers la tour de l'horloge. La médina n’a rien de particulier, j’avoue être un peu déçue.

Le jour suivant, je marche jusque dans le quartier des Habous, celui du palais royal, qu’on ne peut pas voir, celui aussi du Mechouar, qui était l’endroit où logeaient les personnalités reçues par le roi. Il y a une petite médina, quelques arches, mais qui ne vaut pas d’y passer trop de temps. Entre les deux, il y a une ville “normale”, avec des boulevards, des bagnoles, des magasins, le marché central où je m’envoie une assiette de lentilles. De retour à l’auberge, comptant me reposer, je découvre que c’est la fête, une scène a été montée juste devant la porte et le patio de l’auberge fait office de lieu d’accueil… c’est bien raté pour le calme. La réceptionniste me dit que tout s’arrête en fin d’aprem…

Casa, Casa. Mouais ! Je crois que je m’attendais à plus de choses à voir mais il est vrai que cette ville n’est pas historique, elle a été créée comme nouvelle place économique sous le protectorat français. Je crois même qu’il me tarde de la quitter ! Et je me jure de ne plus aller en dortoir, quitte à payer quelques euros de plus…

 

Le trajet entre Casablanca et Rabat n’offre guère d’alternatives, ce sera donc par la 2x2 voire 2x3 voies. C’est lisse, et comme c’est dimanche matin, j’ai les 2 ou 3 voies pour moi ou presque. Pas de trafic, mais des cyclistes par dizaines, dont je prendrai parfois la roue pour m’abriter du sensible vent de face. Je fais une halte au musée de la photographie à l’entrée de la ville, n’y rentre pas car la plus grande partie des photos exposées se trouve à l’extérieur, autour d’un bastion magnifique orné de 2 canons, au bord de l’océan déchaîné. Des portraits, que des portraits, de quidams du monde entier. J’ai aimé cette halte. Puis il y eut le phare et la corniche. Les vagues s’écrasent fort et les gerbes d’écume montent très haut. Spectacle garanti, la puissance de l’eau… La côte étant brumeuse ce jour, je reviendrai. Il ne me restait qu’à suivre les remparts pour atteindre le centre. Après au moins 15 enseignes prospectées, trop chères ou pleines, je me retrouve dans un dortoir de 14, qui heureusement n'est pas plein, à l’auberge de jeunesse sommaire. 7 lits superposés entassés dans une pièce borgne, pas de cuisine, interdiction de laver du linge même si je le ferai discrètement par petites quantités, pas de petit-déjeuner, bien situé, silencieux, patio et terrasse agréables… le tout pour plus cher qu’une chambre simple dans un hôtel… 

La fin de journée est occupée à ne rien faire d’autre qu’organiser mes 2 prochains jours.

 

Rabat, capitale administrative et politique du Maroc est une grande ville qui, néanmoins, est tranquille, calme, propre, agréable, agrémentée de nombreux parcs et jardins. Donc après la crasse innommable de la médina de Casablanca, Rabat fait du bien. Pendant deux jours j’ai usé les semelles de mes baskets. Médina, kasbah des Oudayas, phare encore, marchés, église, palais royal, tour Momo V et mausolée, tour Momo 6 achevée en 2023 de style hyper moderne, plus de 200 m de haut, en forme de fuseau horaire et dont la face sud est recouverte de panneaux photovoltaïques, cimetière immense, remparts, portes… J’avoue commencer à saturer des villes, des hôtels, du bruit et je sens que le compte à rebours jusqu'au 23 va bientôt commencer. J’ai l’habitude, c’est chaque fois pareil. Sentiment renforcé par le fait que la météo s'annonce bien capricieuse.

Une centaine de photos supplémentaires dans la rubrique dédiée...

 

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Publication : 11 novembre 2025

Côte atlantique sud, Agadir - Safi


 

Second matin à Agadir, pendant que les participants au triathlon se jettent à l’eau, je descends acheter de quoi petit-déjeuner, puis m'attelle à mon vélo. Un point dur bien centré dans la direction m’enquiquine depuis quelques jours et il faut que je regarde mes freins avant. Démontage des bagues, du cintre, bref tout, nettoyage, remontage. Soit le point dur est ailleurs sur une position où je ne vais jamais, soit c’est solutionné. Nathalie contente. Les freins, 5 minutes, Nathalie contente encore. À 11 heures, je descends avec Jipe manger une bonne grosse omelette et à midi (heure prévue entre nous), nous enfourchons les bicycles à pédales sous un soleil radieux. Marie fait scission. Sortie d'Agadir congestionnée à cause de la partie cyclisme du triathlon qui se déroule sur la 2 x 2 voies et détourne tout le trafic sur la route côtière. Cependant, très belle petite étape de 61 km avec l’océan et les kilomètres de plage de sable blond ou de rochers où s’écrase la flotte, juste à côté. Nous nous sommes régalés, même quand le vent nous a fait face. À Tamri, pas d’hébergement malgré une recherche longue et assidue, alors nous tentons notre chance dans le gros hôtel cossu du patelin suivant et le gérant nous ouvre un appartement pour moins de 10 euros par personne. Marie débarque plus tard et après petite discussion dans le calme, Jipe changera de “partenaire” pour terminer son voyage avec moi jusqu’à Casablanca, c’est la fin de ce que l’on avait nommé “Trio Morocco”.

 

De Tamri à Tafedna, l'étape est très belle encore. Après un début de 25 km sur la route un peu passante, nous bifurquons à gauche pour rester au plus près de l’océan. Nous surplombons des plages magnifiques ourlées d'écume, faisons une heureuse escale pique-nique face aux vagues d'où émergent des surfeurs attendant le bon moment à Imsouane, et terminons à Tafedna par une dizaine de km de piste roulante. Aziz nous ouvre la maison de son frère pour une somme modique, où nous disposons du rez-de-chaussée entier…

 

Dès les premiers hectomètres le lendemain, nous sommes au village de pêcheurs. Belle plage sauvage, pas de surfeur ici, la baie est calme. Quelques grosses barques et une rangée de maisons bleues et blanches, la bourgade est minuscule. Quelques photos, macadam retrouvé, nous pouvons entamer une longue montée qui nous mène sur un plateau vallonné agréable, parsemé d’arbres et de petits villages. Après avoir rattrapé la route principale où nous nous méfions un peu plus des bolides, nous atteignons rapidement Smimou, bourgade très vivante, où des montagnes de fruits et légumes bordent la route. La distance est ensuite vite faite jusqu’à Essaouira où nous arrivons vers 14 h. D’hôtels en auberges de jeunesse trop chers à l’intérieur de la médina, il nous faudra une petite heure pour trouver une chambre confortable à prix acceptable à l'extérieur mais proche des fortifications portugaises. Très bien, draps, serviettes, nos montures dans la chambre, salle de bain privative, embourgeoisement donc… Pas vraiment vu le prix ! Petite douche en vitesse et nous profitons du soleil pour entamer la visite, qui durera 2,5 jours. Plage, port de pêche important et très vivant, étalages de poisson frais, ou non, médina, concentration impressionnante de goélands dont les déjections nous atteignent parfois, remparts garnis de canons tous différents, tours et bastions, venelles, ruelles, parties commerçantes ou au contraire réservées à l'habitation de la médina, galeries d’artistes, placettes, souk. Nous prenons vite nos repères dans cette ville à taille humaine, qui est blindée de touristes parce qu’elle vaut définitivement le détour. Les vagues s’écrasent et font de belles gerbes sur les rochers au pied des remparts, la température est agréable. De la pluie dans la seconde soirée et nuit, visiblement bienvenue, rafraîchit l’atmosphère momentanément, mais dès le lendemain nous retrouvons le soleil. C’est d’ailleurs la météo annoncée sur toute la côte atlantique jusqu’au 12 novembre… Logeant dans un quartier populaire, nous avons tout à portée de main (épicerie, fruits, petits restos), à des tarifs parfois trois fois moins élevés que dans la partie touristique, à 1 km. 

 

Nous reprenons la route dans le calme d’un matin frais, dans l’air chargé d’humidité. La première petite bosse de rien du tout anéantit nos efforts pour rester au sec et ne pas transformer t-shirts et chemise en serpillières blanches de sel. Un premier détour pour aller à Moulay Bouzertkoum, où la mosquée blanche se détache sur le bleu de l’océan. Le village est vide. Passé Sidi Ishaq, nous décidons de pousser jusqu’à Souira Kedima. Dans ce village de résidences secondaires ou de vacances, sans hôtel ni auberge, nous trouvons à nous loger en louant un appartement pour une nuit. Le prix est modique ( moins de 10 euros par tête) et nous disposons d’une cuisine. Des dizaines de grosses barques de pêche colorées, à l'eau ou sur le sable, rendent agréable la visite du port très odorant, et centre névralgique de la bourgade. 

 

Il ne nous reste que 33 km pour rejoindre Safi le jour suivant. Cette ville industrielle où notre entrée est peu glorieuse, main sur la bouche et à moitié en apnée pour lutter comme on peut contre les fumées de l’immense usine de phosphore, est toute en longueur le long de l'océan. D’ailleurs, ça a commencé par la centrale thermique, terminus de la ligne ferroviaire, puis les travaux du nouveau futur port industriel de Safi, puis cette usine de phosphore. Bref, si tu ne veux pas choper un cancer, il est plus prudent de vivre ailleurs. Nous nous installons à l'hôtel de Paris, très propre, vaste chambre à 2 lits doubles, dont la fenêtre donne sur du calme, toit terrasse avec fils pour faire sécher la lessive et la vue sur les toits… le tout pour 5,8 euros chacun la nuit, assurément le meilleur rapport qualité/prix de ce voyage. Safi n’attire pas les touristes, et pourtant, y faisant halte une journée et demie, nous avons trouvé beaucoup de charme à la vieille médina, entourée de remparts, où seule la partie basse est commerçante. Le reste est un quartier populaire, avec des gosses qui jouent dehors, des gens qui circulent à pied, vaquant à leurs occupations. Plutôt “délabrées”, les venelles en pente et tortueuses nous ont offert des arches, portes, passages couverts, couleurs et détails photogéniques à profusion. Sous la corniche, les vagues là aussi s’écrasent en grosses gerbes d'écume blanche, et il faut se méfier des bombardiers goélands. Après le port de pêche dont l'accès nous a été refusé par la police (sous prétexte de dimanche) se trouve le port industriel, zone frontière, avec ses silos de phosphates. Les trains de marchandises chimiques passent très lentement dans un potin d’enfer. Safi est également réputée pour sa poterie. À l'entrée, nous nous sommes arrêtés au village des potiers où chacun à sa spécialité. Certains tournent, puis vendent à ceux qui peignent, qui vendent à ceux qui ont le four… Rares sont les artisans qui font tout de A à Z. Nous visitons également la colline des potiers, petits ateliers, les fours traditionnels où les pneus, vêtements foutus, plastiques étaient cramés autant que le bois sont maintenant remplacés par des fours à gaz, moins polluants. C’est qu’à Safi, la pollution se voit et se sent. La dernière demie journée est consacrée au repos, avant de reprendre la route demain, direction El Jadida par Oualidia… nord-est, face au vent !

 

Comme d'habitude, plein de nouvelles photos dans la rubrique "photos"...

 

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Publication : 2 novembre 2025

De l’Anti-Atlas de Tafraout à Agadir


 

Pour mon premier jour à Tafraout et vu le programme effectué depuis Ouarzazate, je m’attends à avoir les jambes en coton, qui hurlent leur douleur dans les escaliers. Hors, il n’en est rien, j’ai l’impression que je pourrais partir faire un footing. Tant mieux. Bien décidée à profiter du secteur, je pars marcher vers la vallée des rochers peints. En 1985, l’artiste belge Jean Verame a l’idée saugrenue de peindre en bleu, violet, rouge ou jaune des rochers entiers d’une vallée proche de la bourgade. La première auto qui passe m’embarque sur 7 km pour accéder à l’extrémité du site, je ferai le retour à pied au milieu des blocs de cailloux rose. La première chose que je vois est une antilope aux cornes effilées, avant que les touristes en 4x4 et autres gosses qui s'expriment bruyamment ne la fassent fuir… Pendant plus de deux heures je me suis promenée, à la fraîche, dans ce paysage, avec pour toile de fond le massif du djebel L’Kest, point culminant du secteur à 2359 m. Retour par le chapeau de Napoléon, en suivant une femme de la tribu Ammeln, en tenue traditionnelle. De retour à l’hôtel, j’hésite entre repartir demain ou prolonger d’un jour ici. La bourgade est agréable, c’est calme. Je pourrais occuper une partie de seconde journée pour faire un vrai nettoyage de la transmission de mon vélo à la station essence toute proche. J’ai du temps… La tribu des Ammeln occupe un petit territoire centré sur Tafraout. Voici ce que je trouve sur internet : La Vallée des Ammeln occupe une cuvette surplombée de falaises escarpées, et s’étend sur un long couloir verdoyant aux pieds de Jbel El Kest. Un décor grandiose, orné d’un filet d’oliviers, de caroubiers, d’arganiers, de palmiers et bien sûr d’amandiers. Les Ammeln peuplent la vallée depuis des générations. Il s’agit d’une grande tribu amazighe (berbère), qui s’est sédentarisée dans les lieux, et qui y a développé l’agriculture des céréales et des arbres fruitiers. Les Ammeln sont aussi célèbres pour leur sens des affaires. Plusieurs d’entre eux, ayant émigré aux grandes villes, sont devenus des hommes d’affaire fortunés. En témoignent les quelques grandioses palais et domaines perchés sur les bords de la Vallée.

 

Finalement, je décide de rester un jour de plus, et comme la veille, débute par une marche, cette fois-ci sur les tas de cailloux qui devraient m’offrir ue vue sur vallée des Ammeln. De retour, je squatte la station service pour un entretien de mon véhicule.

 

En ce lundi 20 octobre, je me remets en route, direction les gorges d’Aït Mansour. La première montée ne me surprend pas, 600 m de d+ pour basculer dans ces gorges impressionnantes, étroites et profondes, bordées de hautes falaises rouges, et au fond desquelles on trouve une palmeraie serrée comme une jungle, quelques hameaux, des canaux d’irrigation. Bref, le détour vaut le coup. Enfin… sauf que je n’avais pas vu le profil altimétrique et fut bien surprise, ayant déjà fait 900 de d+ aujourd'hui, d’avoir encore un col à 1610 m à passer… Soit. La fin pique un peu sous le cagnard de l’après-midi, mais il est tôt encore quand je bascule vers Izerbi. Rien pour loger ici, c’est mort, je prends de l’eau et poursuis. Je plante ma tente cachée derrière un bosquet d’épineux, en espérant que personne ne me verra… Belle étape, de plus en plus près de l’océan, je dors encore à 1242 m d’altitude après 83 km et 1500 de d+. 

 

Après une nuit calme et tranquille, c’est reparti. Quelques kilomètres encore sur les plateaux vallonnés avant un plongeon spectaculaire au fond d’un canyon. Dans le patelin qui se trouve au fond, les orages de l’automne dernier ont fait des dégâts dans ce couloir étroit, route endommagée, les travaux sont toujours en cours pour remettre en état. Plus bas dans l’oued, des tas de troncs de palmiers, des débris… Le paysage change, l’oued à sec est maintenant très très large et j’arrive à Aït Tamanart où je retrouve un peu de vie, quelques échoppes et gargotes. À partir de là, c'est vent de face et ce sera ainsi jusqu’à la fin de mon étape, 50 km plus loin. En effet, chaleur, paysage désertique et absence de tout m’obligent à pousser jusqu’à Tarhjijt où je sais qu’on peut louer une chambre dans un café. Même pas un petit resto dans cette bourgade où les gamins rencontrés n’ont su que me balancer des “touriste, touriste” provocateurs. Oui, certes, et alors ? 

 

Le lendemain, gros changement dans le climat, départ dans les brumes matinales humides, qui vont et qui viennent, qui parfois me tiennent au frais et d’autres fois me font l’effet d’être au hammam. J’avance bien, et après une pause omelette à la station-service de Fask, toujours dans le désert, je file vers Guelmim. Je traverse la ville mais ne m’y attarde pas, si je veux rattraper un jour mes deux acolytes, il faut que je pédale. Je m’approche ce jour-là de l’océan, et si je ne vais pas le toucher encore, j’en entends les vagues s’écrasant sur les rochers ou les galets, depuis mon bivouac à quelques kilomètres à vol d’oiseau, planquée une nouvelle fois derrière un bosquet d’épineux. Juste deux gamines menant le troupeau de chèvres et moutons décèleront ma présence…

 

Allez, le jour suivant, dix bornes de toboggans bien sentis et je vois enfin les vagues atlantiques, dans la brume, sous un ciel plutôt bas. Rien de folichon. Et les 40 km suivants n’offrent rien à voir. Par contre, bonjour les “valleuses” qui me déchirent les pattes à chaque fois, et que je remonte même parfois à pied en poussant mon lourd vélo vert…

 

Sidi Ifni, du blanc et du bleu, et du soleil qui a enfin percé les brumes. Pause omelette et lentilles. Puis la plage et surtout l’arche de Lezgira. Une voûte naturelle d’une trentaine de mètres de large, autant de long et une quinzaine de haut. Joli site. Je ne regrette pas le minuscule détour. Je me pose ce soir-là dans un petit hôtel à Mirleft, d’où Jipe et Marie sont repartis ce matin même.

 

Voyant qu’ils n’ont pas l’air de prendre leur jour de repos hebdo, je décide de mettre un dernier gros coup de pédale pour arriver le même jour qu’eux à Agadir. Je suis dans les starting blocks, attendant le lever du jour et dès potron minet, plafff, j’enfourche le vélo vert. Et au terme d’une étape plus ou moins roulante de 126 km, j’arrive… bien avant eux à l'hôtel prévu, qui affiche complet ! J'en cherche et trouve un autre, où ils viennent me rejoindre un moment plus tard. Depuis Ouarzazate et mon coup de calgon intestinal que je ne les avais pas vus, 15 jours, arrivant parfois dans une chambre qu’ils ont quitté le matin même. Il faut dire que j’ai fait des détours dans le djebel Siroua et l’Anti-Atlas de Tafraout. Voilà le “trio morocco” enfin reconstitué à Agadir.

 

Agadir, ciel bas sur une ville moderne, vaste, reconstruite après un tremblement de terre de 1960 qui avait tout foutu en bas et fait des victimes. Pas de véritable médina mais un immense souk, donné comme le plus grand du Maroc, où l’on déambule un moment. Montagnes de denrées alimentaires en tous genres, babouches, fringues, vaisselle, quincaillerie, on y trouve de tout ! On se promène dans les rues, voyons quelques beaux spécimens d'ateliers de mécanique, traînons nos savates assez mollement jusqu’au musée d’art contemporain que Jipe visite. Je n’ai guère d'énergie, mais l’après-midi, les nuages ayant totalement disparu, nous enfourchons les vélos pour aller longer toute la corniche, essayer de rentrer au port de pêche pour voir les bateaux colorés (zone frontière, nous ne pourrons accéder), et monter les 200 m de d+ qui nous séparent de la kasbah qui offre une belle vue sur la ville, la plage, le port. Le folklore autour de la kasbah fait sourire, touristes juchés sur des dromadaires décorés pour faire 300 m. Bref…

 

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Publication : 25 octobre 2025
  1. Anti Atlas, Siroua, Tafraout
  2. Semaine exigeante à travers l'Atlas
  3. Les contreforts du Moyen Atlas
  4. Se remettre dans le bain de chaleur

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