Les contreforts nord du Moyen-Atlas


 

De Ribate el Kheir, je poursuis donc seule vers le sud, croise les écoliers d’abord puis un flot de voitures qui pétaradent et fument fort dans la montée que nous avons évitée, étant de nuit dans ce qui nous servit de panier à salade…

La route fut ensuite aussi jolie que tranquille, bien vallonnée. À un carrefour, ma trace m’indique à gauche, mais les indications routières me disent à droite. Aucune route sur mes applis mais le macadam semble récent. Renseignements pris auprès des locaux, l’ancienne route est désormais noyée par la retenue du barrage M’dez. N’ayant pas envie d’avoir à nager avec mon vélo chargé, je prends la nouvelle route, n’y rencontre absolument aucun véhicule mais sens bien le pourcentage élevé des montagnes russes qui m’obligent à tirer des bords. Ce n’est pourtant pas la place qui manque dans le paysage désertique pour faire des virages et adoucir la pente ! Après être passée sous le barrage de type poids, je domine un temps le lac bleu avant de rejoindre Skoura m’daz. Les jambes tournent bien, un cafouillage me fait louper le centre-ville, je poursuis en remontant l’oued Guigou dans une vallée magnifique bordée de hameaux traditionnels et de cultures. Dans celui de Taferdoust, je décide de demander pour me loger. On m'envoie à l’école où les élèves se lèvent en cœur pour me souhaiter la bienvenue. Safae a 7 élèves sur 2 cours, Mohammed en a 4 sur 3 niveaux différents, ce qui lui impose des heures considérables de préparation chaque soir. Le couple d’instituteurs m’invite spontanément à dormir chez eux. Il est 15 h 30, la classe termine à 18 h 10. Après avoir déposé mon barda, je pars visiter à pied l’ancien village perché sur un éperon rocheux. Un pont remarquable en pierre, à deux arches, enjambe le flot rendu ocre par les orages très violents de samedi et se poursuit par un escalier soutenu par un imposant mur de pierres, me menant à cette place forte. Les habitations sont en ruines, seule la mosquée est entretenue. La vue sur la vallée vaut le coup d'œil. Redescendue chez Safae et Mohammed, la discussion va bon train, et je crains de voir mon estomac exploser, rempli de victuailles diverses et variées par mes hôtes. 

Le lendemain, la route toujours aussi déserte, montante et ravissante me mène à Boulemane où c’est jour de souk. Je retrouve là un axe plus important et n’ai qu’à me laisser glisser vers l’immense plaine de Guigou sur le macadam velours. Timahdite, altitude 1839 m, il fait bon. Je passe à la gendarmerie pour trouver un logement. Il n’y a qu’une auberge, je négocie le tarif de la petite chambre. La bourgade se situe sur la route très passante qui relie Fès à Midelt, Rich, Er Rachidia puis Merzouga. Pléthore de restaurants et épiceries. Je fais des provisions en suffisance pour 2 à 3 jours, qui assurément ne seront pas faciles, à travers le parc national de Khénifra. 

 

Dès la sortie de Timahdite dans la fraîcheur matinale, je prends dans la campagne par une piste, réponds en passant aux dizaines de bras en l’air des travailleurs qui grattent la terre, courbés en deux, puis il n’y a plus que des fermes isolées, des chiens qui me gueulent dessus et me courent après tous crocs dehors. Dès que je mets pied à terre, ils s’en vont la plupart du temps la queue entre les jambes. Quand ce n’est pas le cas, quelqu’un finit par sortir et les rappeler, ce qui me vaut quelques rencontres pittoresques et hautement sympathiques. Je vais poser ma tente ce soir-là dans le parc national de Khénifra, au pied de véritables cathédrales vivantes, des cèdres séculaires aux houppiers si hauts qu’il me faut basculer loin la tête vers l’arrière pour les voir. J’entends quelques singes, et passerai la nuit la plus profonde, la plus calme, la plus noire, la plus silencieuse depuis le début du voyage. J’ai vu en tout ce jour 3 véhicules, ai croisé plus d’ânes et de chevaux.

 

La piste continue en serpentant parmi les cèdres, les sous-bois d’ombre et de lumière invitent à la rêverie, les bergers continuent à me saluer du bras. 17 km encore de piste plus tard, je retrouve un macadam, certes troué, mais bienvenu tout de même. Me voici bientôt sur la grande route descendante et vent en poupe. Au croisement pour Boumia, par le plus grand des hasards, je retrouve Jipe, arrêté en train d’attendre Marie. Nous prenons une chambre dans la bourgade où c’est jour de marché aux animaux et par conséquent, l’effervescence. 

 

Entre Boumia et Aghbala, un immense plateau d’abord vide jusqu'à Tounfite puis des exploitations agricoles qui font des taches de vert dans le paysage jaune et désertique. Deux patelins où les groupes électrogènes (pour l’irrigation) tournent au gaz bouteille. Des centaines de bouteilles de gaz en bord de route ou piste. Des pommiers aussi, de la route et des bouts de piste qui se négocient sur le vélo même si ça secoue parfois. À Aghbala, la vie bat son plein, un hôtel est vite trouvé, ainsi qu’une gargote où nous nous délectons au moins autant de la sympathie et du sourire des hôtesses que du menu. Mes coéquipiers ayant bien roulé, nous sommes encore ensemble, même si j’ai passé 2,5 heures de moins qu’eux à pédaler.

 

Ce 27 septembre, l’objectif est de me rendre au village de Boutferda, afin de visiter, dans les parages, les greniers Aoujgal. Ce sont des structures en pierre, comme des maisons, adossées au rocher et surtout perchées sur une longue et étroite vire rocheuse à mi hauteur d’une paroi verticale impressionnante. Il ne reste que des vestiges mais le sentier est vertigineux. À certains endroits, des bouts d’arbres forment passerelles et comblent les manques de terrain au dessus du vide. Je n’en mène pas large, le moindre faux pas est fatal. Dans la soirée, depuis mon bivouac soleil couchant, j’entends les tams tams et les chants des habitants du minuscule village au sommet de la falaise.

 

Le village de Boutferda est charmant, j’y croise les écoliers qui me saluent, puis poursuis par une route qui longe, ou plonge et remonte le long de canyons impressionnants. J’avance tranquille, négocie les bosses en moulinant, afin de me ménager et en garder sous la pédale. Je passe Tagfelt où je fais mon plein d’eau en vue d’un bivouac, qui s’avèrera tranquille, comme je les aime.

 

Une grosse montée le lendemain et je bascule à Ouaouigazh, après avoir croisé un couple de cyclos de Lyon. J’achète quelques fruits et légumes, remplis mon estomac et reprends ma route contre un fort vent de face le long de la retenue de barrage de Bin el Ouidane. Le vent soulève la poussière et l’atmosphère est loin d’être limpide. Je rencontre un cyclo marocain et discute un moment avec lui. Ses poignées de frein sont défectueuses, il ralentit avec ses semelles de savates direct sur le pneu. Après encore un col, je trouve un joli coin pour poser ma tente.

 

Le lendemain, c’est à dire aujourd'hui, je rejoins la bourgade de Ait Attab, par monts et par vaux dans un paysage verdoyant. J’y consomme à manger dans un café avant de reprendre la route, et sans savoir que j’y reviendrai, bien stressée. Une grande descente et surtout 500 m de d+ plus loin, je me rends compte que j’ai oublié mon téléphone, mis à charger au café… Je suis en haut de ce gros col, à 16 km de la ville. Une maison est là, vers des antennes telecom. Ni une, ni deux, je pose mon vélo et fais du stop pour retourner en ville. Une camionnette de livreurs Danone me prend, et les flics nous arrêtent, défaut de ceinture pour le chauffeur, verbalisé, et le temps qui tourne. Au café, je retrouve mon téléphone comme je l’avais laissé. OUF !!!!. Ne reste plus qu’à retrouver des véhicules pour remonter vers mon vélo. Ce sera vite fait, avec l’aide des mêmes gendarmes, toujours postés au même endroit et qui me voient passer pour la 3ème fois. Le vendeur de détergents qui m'embarque quitte son emploi ce soir, et me montre son CV, rédigé en français. Après ces aventures, je rejoins Ouzoud où je trouve une chambre confortable et vais visiter les fameuses cascades d’Ouzoud, à pied. Dans la soirée, sur une scène au milieu du village touristique, des danseuses du ventre très en chair se trémoussent au son des tambours et violons. Les cascades d’Ouzoud sont annoncées comme parmi les plus grandes d’Afrique ! 110 mètres en tout. Vous ferez la comparaison vous-même avec celles du Zambeze, pas tout à fait le même débit !!!

 

Mes jambes tournent bien, mon postérieur ne me fait pas soufrir, j’ai trouvé la bonne solution, alors tout va bien. Et demain je repars direct par 500 m de d+, direction Azilal.

 

Va falloir envoyer du lourd sur le prochain tronçon, je vais prendre de l’altitude… Des images comme d'habitude dans la rubrique photos... Ciao ciao.