Semaine exigeante à travers l'Atlas


 

À Ouzoud, j'avais pris le petit déjeuner, à 8 heures. Il s'est fait attendre, mais ça en valait la peine. De compèt le petit déj ! Je suis partie trop lourde, et après ces quelques journées bien remplies, les jambes et l’organisme demandent un peu de repos. Je rejoins la jolie ville d’Azilal, 30 000 habitants, 1400 m d'altitude, et m’y pose dans un hôtel modeste (où j’aurai tout de même une douche chaude). Dans cette ville et pour une fois, ça ne pétarade et ne fume pas de partout. Il y a la rue principale, circulante, et le reste, où une auto ne saurait s’aventurer. Les échoppes de fruits et légumes sont très bien fournies, les petites gargotes sont foison, et le choix est donc grand. La place centrale, marbrée, possède même de petits jets d’eau qui se mettent en route le soir venu. Un dinosaure incongru donne un autre point de repère et les mamans ou les papas font des tours de voitures miniatures électriques marquées “police” ou “barbie” avec leur enfant, autour de la place propre. Très kitch tout ça… Le souk permanent se situe dans les ruelles juste derrière. Autour de 19 heures, au coucher du soleil, toute la population vient flâner et les terrasses s’emplissent d’hommes, et seulement d’hommes. Autrement dit, je me sens un peu regardée… J’ai bien aimé Azilal, c’était calme pour une ville marocaine. Mon voisin de palier est un Flamand, seul européen croisé ici. 

 

 

Le lendemain matin, j’espère juste avoir plus de jambes que la veille parce que sinon, comme on dit, j’ai pas l’cul sorti des ronces, tant les dénivelées qui m’attendent sont importantes ! Je pars doucement. La route est trop passante pour tirer des bords et la pente est tout sauf régulière. À une importante bifurcation, je prends à droite vers la vallée d’Ait Bouguemez, bien nommée la vallée heureuse pour sa verdure, ses jardins abondants, ses hectares de pommiers, ses greniers forts perchés sur des collines à la forme conique parfaite. Plus une voiture, la route est en macadam pourri, troué, percé, et les travaux durent 25 km, donc toute la montée et la descente suivante. Paysage de ouf, tant depuis le col à 2200 m, que dans la descente vertigineuse qui plonge vers Aït Abbas et la vallée de l’oued Lakhdar, profonde, cultivée, enjolivée par de nombreux hameaux pittoresques en terre battue. Je suis bel et bien dans le Haut Atlas. Quelques rencontres sympathiques, quelques verres de thé bienvenus. Il faut maintenant remonter cette vallée pour atteindre la vallée heureuse que je reconnais pour l’avoir parcourue l’an dernier. Je me pose dans un gîte et comme toutes les chambres sont pleines, je me vois conviée à dormir dans l’appartement familial, qui fourmille de femmes. Accueil royal comme d’habitude. Il faudra juste attendre 20 h 30 pour manger le tajine avec les autres touristes, la cuisson est longue, c’est le secret du goût du tajine, il faut que ça mijote loooonnnngtemps ! Le gîte est situé pile poil au pied du grenier sur la colline, que nous avions visité l’an dernier avec Philippe en revenant du sommet du M’Goun.

 

Vendredi 3 octobre, le muezzin tout proche s’en donne à coeur-joie depuis 5 heures du matin sans interruption. La cause en est qu’une habitante est décédée hier, alors il faut prier… 

Elle était âgée ? 

Oui

Quel âge ?

55 ou 58. 2, 3 jours malade et hop, c’est la vie !

Ok

 

À noter que la personne avec qui je parle fait bien 60 ou 65 ans et c’est quand même plus la mort que la vie ! Après un solide petit déjeuner, je prends la route, et quelle route ! Monter d’abord de 1800 à 2910 m au col, sur le goudron merci. Voilà déjà 1100 m de d+ en 13 km. Il a fallu parfois pousser dans les rampes ! Ensuite, la bascule dans la vallée d’Ouzighimt, magnifique, 10 km de piste qui secoue la mécanique, les genoux, les poignets, les valises. Faire attention à ne rien casser… 12 km/h de moyenne. Puis petite pause thé, pain, sardines, invitée chez l’habitant où j’avais demandé de l’eau. Allez ensuite, goudron à nouveau pour monter le second col, je remets 650 de d+ pour peu de kilomètres, et en haut, décide de laisser la suite pour le lendemain. À chaque jour suffit sa peine, j’ai déjà fait gros hier. Je dors donc au beau milieu du Haut Atlas, pas très loin de la ligne de crête, à un col venté à 2815 mètres. Comme le vent est assez fort et pas très chaud, j’ai monté ma tente à l’intérieur d’un abri de berger, à l’écart de la route. En pierres, sans porte (juste une ouverture bien orientée), le toit est fait de branches recouvertes de bâches et de terre. Je suis là depuis 15 heures. Une famille est venue regrouper les moutons, chèvres et ânes éparpillés, j’ai regardé la lune se lever et le soleil se coucher. Je vais enfin profiter d’une nuit sans clébard, sans muezzin, sans bruits de rue, sans bagnole, sans réverbère ou autre source lumineuse, bref… une nuit ! Il est 19 heures, même les cimes ne sont plus éclairées. Bouhhhh, les bras de Morphée, vite et bien.

 

Je commence le lendemain par une courte descente puis une très raide remontée à 3005 m, soit disant la plus haute route carrossable du Maroc. Là haut, je tape la discute quelques instants avec 3 motards marocains et le gardien de l’antenne (telecom). Oui, c’est un métier… et admire le paysage… La descente qui suit me fait littéralement plonger dans la vallée d’Ameskar par des lacets serrés, raides, où les plaquettes de frein en prennent un sacré coup ! A Ameskar, je devrais normalement regrimper un col par la route goudronnée mais tout le monde me conseille de suivre l’oued pour éviter cette infâme remontée. Je me retrouve ainsi sur la piste en galets, à passer des gués, puis m’engouffrer dans les gorges du M’Goun, spectaculaires et très étroites où il y a juste la place pour le canal d’irrigation, la piste et le ruisseau. Seule au monde dans ce décor grandiose, je ressors à Ameljag et n'ai plus qu’à rejoindre le haut de la vallée des Roses, route parcourue déjà l’an dernier. 10 km avant Kalaat m'gouna, la ville du secteur, je rejoins Jipe et Marie. 

 

Le jour suivant, nous rallions Ouarzazate par 90 km de route nationale sans virage et vent en poupe, égayée seulement par des kasbahs imposantes. La palmeraie de Skoura est censée être une des plus belles du pays mais ils avaient oublié de passer le plumeau sur les palmiers, qui faisaient plutôt pitié. Arrivés et posés à Ouarzazate, nous retournons visiter la kasbah Taourirt, grand dédale, véritable labyrinthe, en totale réfection (durée estimée des travaux : 10 ans). Le soir, je me sens faible, la nuit est minable, bruyante, excessivement étouffante, faite d’aller-retours incessants aux toilettes. Quand mes compagnons partent ce matin, je décide de passer la journée ici, trop faible pour envisager quoi que ce soit. Changer d’hôtel relève déjà de la corvée… donc je change juste de chambre, plus petite mais équipée de la clim et salle d’eau privative avec PQ !

 

En plus de l'accumulation de grosses journées, de trop fortes chaleurs, de nuits où je ne dors guère, c'est, je pense, l'ingurgitation d'eau ou d'aliments "malpropres" ( je ne saurais dire où et quand), qui ont eu raison de mon organisme. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que ça aille mieux demain. Je n’ai rien mangé aujourd'hui, juste bu un coca dégazé… Le gérant est prévenant et compatissant.

 

PS _ le lendemain : contente, j'ai pu aller toute seule à la pharma, me voici avec mes boites de médocs sur la table de chevet. Maintenant, il faut que je trouve riz blanc et patates à l'eau, mais quitter la proximité immédiate des toilettes est un risque immense !!!